Serge Baudo (1971-1987)
En 1971, Louis Frémaux quitte Lyon pour le Royaume-Uni où, jusqu’en 1978, il dirigera l’Orchestre symphonique de la Ville de Birmingham (CBSO). Serge Baudo accepte de prendre la direction de l’Opral, et Theodor Guschlbauer le remplace comme directeur de la musique à l’Opéra. Serge Baudo s’adjoint les services d’un jeune tromboniste de l’orchestre, Sylvain Cambreling, qui devient son assistant ; on sait à quelle carrière de chef ce musicien hors pair sera promis…
Orchestre de Lyon
L’orchestre reste à souder : la brèche psychologique causée par le reclassement de certains musiciens et l’arrivée de nouveaux est encore à colmater. Baudo va s’atteler à cette tâche et forger le nouvel orchestre, désormais officiellement en charge des représentations à l’Opéra et rebaptisé tout simplement Orchestre de Lyon. Il dirige et promeut la phalange lyonnaise comme un chef d’entreprise, se bat pour la promotion du répertoire français, d’Hector Berlioz, César Franck, Albert Roussel, Maurice Ravel, Claude Debussy à la création contemporaine avec Henri Dutilleux, Charles Chaynes, Maurice Ohana ou Olivier Messiaen. Mais s’il laisse l’image d’un chef lié à la musique française des XIXe et XXe siècles, Serge Baudo se révèle bien plus éclectique que cela : il n’hésite pas à aborder le répertoire classique français (Jean-Baptiste Mouret), mais on remarque également régulièrement les noms de Liszt, Wagner, Lutosławski, Szymanowski, Bartók, Stravinsky ou Prokofiev. Le dixième anniversaire de l’orchestre sous sa forme moderne est célébré le 8 mai 1979 par les Gurre-Lieder de Schönberg, rassemblant plus de quatre cents exécutants.
Sous la direction de son nouveau directeur musical, l’Orchestre de Lyon connaît ses premières invitations prestigieuses : Théâtre des Champs-Élysées (Paris) le 25 septembre 1974, Festival de Besançon les 11 et 14 septembre 1975, Théâtre d’Hérode Atticus (Athènes) le 28 mai 1976 dans le cadre de la première tournée internationale de l’orchestre (Grèce, Roumanie, Bulgarie). L’orchestre publie également son premier disque (Suite scythe et Quatre Portraits du «Joueur» de Prokofiev) en septembre 1974.
Une salle pour l’orchestre : l’Auditorium
À l’Opéra, les activités lyriques occupent intensivement la scène, si bien que l’orchestre ne peut donner qu’un nombre limité de concerts symphoniques et doit répéter dans une petite salle située au bout de la Presqu’île, sur le cours Charlemagne : la salle Chabrier. Dès la création de l’Opral, Robert Proton de la Chapelle a considéré avec le maire, Louis Pradel, la possibilité de lui offrir une salle moderne dévolue à ses activités symphoniques. Inséré dans le nouveau quartier de la Part-Dieu, qui naît sur le terrain d’une ancienne caserne, l’Auditorium est inauguré le 14 février 1975. C’est en France la première salle d’une telle dimension dédiée exclusivement à la musique.
Tournée en Chine
Après une tournée à Prague en juin 1978 dans deux programmes de musique française, l’événement est l’année suivante la tournée en Chine, au Japon et en Corée. L’Orchestre de Lyon est le premier orchestre européen et le deuxième occidental (après celui de Boston) à se produire dans l’empire du Milieu. Cette visite est préparée par une invitation à Serge Baudo, qui dirige l’Orchestre symphonique central de Pékin le 12 décembre 1978 devant un public avide de musique occidentale. Toutes les répétitions sont publiques et pleines à craquer. La Chine est prête à recevoir l’Orchestre de Lyon qui, en avril 1979, donnera huit concerts répartis entre Pékin et Shanghai. Serge Baudo et Sylvain Cambreling se partagent le pupitre dans un programme privilégiant la musique française : Berlioz (Symphonie fantastique), Debussy (La Mer, Prélude à «L’Après-midi d’un faune»), Ravel (les deux suites de Daphnis et Chloé, Alborada del Gracioso), Fauré (suite de Pelléas et Mélisande).
Au retour de leur périple asiatique, musiciens et régisseurs ne tariront pas d’anecdotes à raconter, des mets improbables et coûteux qu’ils durent avaler lors de dîners de gala au match de football France-Chine improvisé sur le tarmac de Shanghai ! Le plus cuisant restera la visite manquée à la Grande Muraille, une tempête de neige obligeant les bus à rebrousser chemin à dix kilomètres du but. Reste surtout le souvenir de la ferveur du public : 22 000 auditeurs chinois auront écouté l’orchestre.
Festival Berlioz
En 1979, Serge Baudo décide de consacrer un festival au compositeur isérois qui lui est si cher. À cet effet, il crée en 1978 une association en collaboration avec Jean Aster, le directeur de l’Auditorium. L’ouverture du premier Festival Berlioz a lieu en septembre 1979 sur la place des Terreaux. Dès la seconde édition, en 1980, le festival crée l’événement avec la première représentation française, en deux soirées, du monumental chef-d’œuvre lyrique de Berlioz, Les Troyens, à l’Auditorium ; Louis Erlo est appelé de l’Opéra pour assurer la mise en scène. Les opéras de Berlioz seront au centre de nombreuses éditions, et l’Orchestre de Lyon se réjouira de retrouver le répertoire lyrique par ce biais, après la création de l’Orchestre de l’Opéra en 1983.
Soucieux de toucher le plus large public, le Festival Berlioz investit régulièrement le Palais des sports, dans le quartier de Gerland. Ainsi le Requiem de Berlioz y est-il donné en septembre 1981 devant 8000 spectateurs. Benvenuto Cellini y est représenté deux fois en 1983, sous la direction de Serge Baudo ; en 1989, cet opéra est repris à l’Auditorium dans une production qui fait date, sous la direction de John Nelson et dans une mise en scène de Patrice Caurier et Moshe Leiser. À son arrivée à la tête de la mairie de Lyon, Michel Noir supprime le Festival Berlioz au profit d’une Biennale de la musique française consacrée aux raretés du répertoire national, qui ne connaîtra qu’une édition, en septembre 1991. Le Festival renaîtra en 1994 dans la ville natale de Berlioz, La Côte-Saint-André.
Les Chœurs de l’Orchestre de Lyon
Dès 1976, le travail avec les bons chœurs amateurs de la région et avec celui de l’Opéra montrant leurs limites, Serge Baudo envisage de fonder un chœur rattaché à l’orchestre. Le dessein initial est d’enregistrer Pelléas et Mélisande de Claude Debussy. Ayant entendu à la radio Bernard Tétu diriger les Chansons de Debussy à la tête de l’Ensemble vocal de Bourgogne, Baudo collabore avec lui sur Pelléas ; le disque, paru en 1978 et porté par une distribution exemplaire (Michèle Command en Mélisande, Claude Dormoy en Pelléas, Gabriel Bacquier en Golaud, Jocelyne Taillon en Geneviève, Roger Soyer en Arkel), reçoit notamment le grand prix international de l’académie du Disque lyrique. Après ce succès, Serge Baudo confie à Bernard Tétu la préparation des chœurs pour le Requiem de Fauré.
Bernard Tétu est naturellement associé à la création du Festival Berlioz. Il est chargé de réunir et préparer le grand chœur qui chantera Lélio lors du concert inaugural ; il rassemble pour l’occasion le Chœur de l’Opéra et des chanteurs sélectionnés sur audition parmi deux mille candidats. Parallèlement, Bernard Tétu travaille à la création d’un chœur pérenne, formé d’un noyau de professionnels (le Chœur de chambre) et d’un chœur d’excellents amateurs (le Chœur d’oratorio). Les Chœurs de l’Orchestre de Lyon sont nés. En 1981 paraît le premier disque commun avec l’orchestre : Les Canuts de Joseph Cosma. Suivront le Stabat Mater de Poulenc, Le Christ au mont des Oliviers de Beethoven puis, sous la baguette d’Emmanuel Krivine, le Requiem de Fauré. En marge des multiples projets avec l’orchestre, le chœur développe une activité propre. Il prend son indépendance en 1993, devenant les Chœurs et Solistes de Lyon-Bernard Tétu. Au départ à la retraite de son fondateur, le chœur fusionnera avec le Chœur Britten de Nicole Corti pour former en 2017 Spirito, d’où se détachera ensuite le Chœur d’oratorio de Lyon.