Notes de programme

Astrig Siranossian

Lun. 20 jan. 2025

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Programme détaillé

Nadia Boulanger (1887-1979)
Trois Pièces pour violoncelle et piano

I. Modéré 
II. Sans vitesse et à l’aise 
III. Vite et nerveusement rythmé 

[8 min]

Igor Stravinsky (1882-1971)
Suite italienne, d’après le ballet Pulcinella

Transcription pour violoncelle et piano par le compositeur et Gregor Piatigorsky

I. Introduzione (Allegro moderato) 
II. Serenata (Larghetto) 
III. Aria (Allegro alla breve) 
IV. Tarantella (Vivace) 
V. Minuetto (Moderato) e Finale (Molto vivace) 

[18 min]

Marcelle Soulage (1894-1970)
Sonate pour violoncelle et piano en fa dièse mineur, op. 31 

I. Allegro moderato
II. Nocturne 
III. Allegro vivo 

[15 min]

 

--- Entracte ---

Gabriel Fauré (1845-1924)
Élégie pour violoncelle et piano op. 24

[7 min]

SergueÏ Rachmaninov (1873-1943)
Sonate pour violoncelle et piano en sol mineur, op. 19

I. Lento – Allegro moderato
II. Allegro scherzando 
III. Andante
IV. Allegro mosso

[35 min]

 

Distribution

Astrig Siranossian violoncelle
Nathanaël Gouin piano

Dans le cadre d’Unanimes ! Avec les compositrices. Attentif depuis plusieurs années à la place des femmes dans sa programmation, l’Auditorium-Orchestre national de Lyon participe à cette initiative de l’Association française des orchestres (AFO) dédiée à la promotion des compositrices et de leur répertoire.

Introduction

«Mademoiselle» pour les intimes, «celle qui entend tout» pour Stravinsky : l’enseignement et la musique de Nadia Boulanger ont profondément marqué leur époque. Passionnée par cette grande dame et par sa sœur Lili (elle leur consacre un festival à Trouville-sur-Mer), Astrig Siranossian lui rend hommage en réunissant sa musique et celle de ses proches. En écho au disque qu’elle a enregistré avec Nathanaël Gouin et Daniel Barenboim (Dear Mademoiselle, Alpha), la native de Romans-sur-Isère a construit ce programme autour des Trois Pièces de Nadia Boulanger (1914), compositrice méconnue mais professeure de composition adulée. Les deux artistes jouent ainsi la célèbre Élégie du maître de Nadia Boulanger, Gabriel Fauré (1880), ainsi qu’une sonate inédite de son élève Marcelle Soulage que les artistes ont enregistrée en 2024. Ils rendent hommage à Stravinsky, compositeur que Nadia Boulanger admirait énormément, avec la Suite italienne (1932), que le compositeur a arrangée, aidé du violoncelliste Gregor Piatigorsky, à partir de son ballet néo-classique Pulcinella (1919-1920), qui repose sur des pièces de Pergolèse. La splendide sonate de Rachmaninov (1901) rappellera les origines nobles et russes de Nadia Boulanger, ainsi que l’influence américaine sur sa carrière.

Texte : Auditorium-Orchestre national de Lyon

Boulanger, Trois Pièces pour violoncelle et piano

Composition : 1914.
Création : Paris, Schola Cantorum, 21 mars 1920, par Edwige Bergeron et la compositrice .

À la différence de sa sœur cadette Lili (1893-1918), Nadia Boulanger est plus connue comme professeure de composition que comme compositrice. En effet, après des débuts précoces encouragés par Gabriel Fauré et de brillantes récompenses au Conservatoire de Paris (premiers prix d’orgue, d’accompagnement et de composition à l’âge de 16 ans), suivies d’un second grand prix de Rome en 1908, elle décida de renoncer à la composition en 1918, après le décès prématuré de sa sœur à l’âge de 24 ans. Elle se consacra à la diffusion de l’œuvre de celle-ci et, surtout, à la pédagogie. Celle qu’on appelait respectueusement «Mademoiselle» a été durant plus de soixante-dix ans une éminente professeure de composition, comptant parmi ses quelque 1200 élèves Aaron Copland, George Gershwin, Leonard Bernstein, Michel Legrand, Quincy Jones et Philip Glass. Son activité musicale est étroitement liée à celle du Conservatoire américain de Fontainebleau, dont elle a été membre fondatrice en 1921, et qu’elle a dirigé de 1949 jusqu’à la fin de sa vie.

Ses Trois Pièces pour violoncelle et piano ont d’abord connu une version pour orgue (Nadia était organiste), composée en 1911. Dans la version pour violoncelle et piano, seules ont été reprises deux des trois pièces pour orgue, originellement intitulées Petit Canon (devenue la n° 2) et Improvisation (devenue la n° 1). La sensibilité harmonique de «celle qui entend tout» (dixit Stravinsky) s’y déploie magnifiquement, et fait regretter que Nadia Boulanger ait renoncé à poursuivre son activité de compositrice.

Stravinsky, Suite italienne

Transcription pour violoncelle et piano: par le compositeur et le violocelliste Gregor Piatigorsky
Composition : 1919-1920 (ballet), 1932 (arrangement).

Dans les années 1920, après avoir été un porte-flambeau de la modernité musicale (ayant composé, notamment, le ballet Le Sacre du Printemps dont les secousses telluriques avaient ébranlé le Paris musical de 1913), Stravinsky semble changer d’orientation stylistique. Il exerce désormais sa plume sur des projets qui semblent moins ambitieux et ressemblent parfois à des pastiches. Inaugurant sa période «néoclassique», le ballet Pulcinella a été composé en arrangeant un kaléidoscope de fragments de musique baroque napolitaine de Pergolèse et d’autres compositeurs moins connus. Le jeu des formes abstraites de la musique instrumentale semblait sans doute à Stravinsky un cadre approprié pour exercer sa prodigieuse faculté d’invention et son artisanat technique méticuleux, en se situant résolument en dehors de tout romantisme expressif. 

Stravinsky a tiré de son ballet une suite orchestrale de concert, ainsi que deux suites de chambre, plus courtes, l’une pour violon, l’autre pour violoncelle, dont le titre Suite italienne révèle l’attachement du compositeur à la musique pure, sans argument narratif. Le langage baroque y est subtilement constellé de dissonances savoureuses, de maladresses d’écriture voulues, de réalisations instrumentales incongrues et presque parodiques, traitant le violoncelle de manière anti-lyrique. 

Soulage, Sonate pour violoncelle et piano

Composition : 1920.

Marcelle Soulage fut une élève de Nadia Boulanger, et suivit aussi une formation complète au Conservatoire de Paris, où elle devint plus tard elle-même professeure de solfège. Elle composa surtout de la musique de chambre, ainsi que quelques œuvres symphoniques et des mélodies. Sa Sonate pour violoncelle et piano reçut le prix des Amis de la musique en 1920. C’est une œuvre d’un langage tout à fait personnel, d’une grande profondeur expressive, qui mérite de sortir de l’oubli. Après l’âpreté du vaste premier mouvement, qui ménage cependant des plages de lyrisme, le «Nocturne» est un moment d’introspection qui atteint un sommet expressif. Le finale, où la partie de piano est particulièrement somptueuse, entraine les protagonistes dans un mouvement trépidant qui se calme et s’éclaircit à l’arrivée d’un second thème. 

Fauré, Élégie

Composition : 1880.
Création : Paris, 15 décembre 1883, par Jules Loëb (dédicataire) et le compositeur.

En 1880, Gabriel Fauré avait esquissé une sonate pour violoncelle et piano, en commençant par le mouvement lent, mais le projet traîna en longueur et fut finalement abandonné. Fauré décida alors de publier le «Molto adagio» achevé, sous le titre d’Élégie. Avec sa poignante mélodie qui descend inexorablement vers le grave, elle semble être une confidence très personnelle, «l’une des dernières manifestations du postromantisme musical en France» (Jean-Michel Nectoux). C’est devenu une œuvre emblématique du répertoire des violoncellistes, qui permet de célébrer cette année le centenaire de la mort du compositeur.

Rachmaninov, Sonate pour violoncelle et piano

Composition : 1901.
Création : Moscou, 2 décembre 1901, par Anatoli Brandoukov (dédicataire) et le compositeur.