Quintette à cordes n° 2 de Brahms
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Programme détaillé
Concerto pour violon n° 1, en la mineur, BWV 1041
I. Allegro
II. Andante
III. Allegro assai
[15 min]
I. Allegro
II. Adagio
III. Allegro assai
[19 min]
Aroura
[12 min]
--- Entracte ---
Quintette à cordes n° 2, en sol majeur, op. 111
I. Allegro non troppo ma con brio
II. Adagio
III. Un poco allegretto
IV. Vivace ma non troppo presto
[30 min]
Distribution
Orchestre national d’Auvergne
Thomas Zehetmair violon et direction
Bach, Concertos pour violon
Composition : probablement à Köthen, entre 1716 et 1723, peut-être à Leipzig vers 1730 pour le Concerto en la mineur.
En 1716, un conflit idéologique entre le duc Guillaume Ernest de Saxe-Weimar et son Konzertmeister, Johann Sebastian Bach, incita celui-ci à changer d’employeur et à s’installer à Köthen, petite ville de cinq mille habitants environ, chef-lieu de la principauté d’Anhalt. Le changement ne se fit pas facilement ; son congé lui ayant été refusé, le compositeur fut soumis à un séjour d’un mois en prison avant de pouvoir quitter son poste. La perspective de travailler en bonne entente avec le maître des lieux l’incita toutefois à ne pas céder et à partir pour Köthen où s’annonçaient des conditions d’emploi bien plus favorables.
Depuis la fin du XVIe siècle, la foi calviniste était la religion officielle à Köthen, et la musique avait pratiquement déserté les offices religieux, en accord avec les principes des courants piétistes. Bach s’y trouva donc dispensé de la plupart des obligations liturgiques, malgré sa place de maître de chapelle. Avec un salaire mensuel de 400 thalers, soit autant qu’un maréchal de cour, second fonctionnaire de l’État, il trouva bien des satisfactions dans ce nouveau poste et confia même son souhait de finir ses jours dans la cité saxonne. Il ne la quitta qu’en 1723, suite au mariage du prince avec une épouse mal disposée à l’égard des arts.
Homme éclairé et artiste accompli, le prince Léopold avait constitué un ensemble de dix-sept instrumentistes de qualité, pour lequel le compositeur était naturellement appelé à écrire maints concertos, suites, sonates et partitas, ainsi que toutes sortes de pièces instrumentales. C’est vraisemblablement dans ce cadre qu’il conçut ses trois concertos pour violon, bien qu’il ait été récemment suggéré que le premier, en la mineur, aurait pu être destiné, dans les années 1730, au Collegium Musicum de Leipzig. Du matériel musical y fut en effet retrouvé, mais peut-être ne s’agissait-il en fait que des partitions destinées à une reprise. Quant au goût de Bach pour le genre, sans doute trouva-t-il son origine, en partie au moins, dans le succès européen des concertos de Vivaldi, dont Bach lui-même avait transcrit plusieurs exemplaires.
Bach jouait du violon, et jusqu’à un âge avancé le fit, selon son fils Carl Philipp Emanuel, «avec clarté et d’une manière pénétrante». Entre les mouvements de ses deux premiers concertos pour violon, ceux précisément qui sont joués ici, on trouve la même relation modale mais inversée : dans le premier cas, une tonalité mineure encadrant une tonalité majeure, dans le second le contraire. Avec, à chaque fois, trois mouvements conformes aux modèles de Torelli et de Vivaldi, plutôt qu’à ceux de Corelli, disposant généralement de plus de sections. C’est d’ailleurs par la forme des mouvements que les deux ouvrages se distinguent vraiment. Le Concerto en la mineur fait alterner tutti et soli suivant le procédé de la ritournelle vivaldienne. Quant à lui, le Concerto en mi majeur opte, dans l’Allegro initial, pour une sorte d’aria à la découpe tripartite avec cadence (Adagio, au point culminant de la complication polyphonique) et brève reprise (da capo) ; et dans le finale pour un rondo avec refrains et couplets au caractère légèrement dansant.
Bien sûr, on retrouve encore, dans le Concerto en mi, la ritournelle introductive, mais le travail thématique se fait plus subtil, avec deux éléments générateurs, présentés successivement par les premières mesures (un arpège en noires, puis une figure ascendante en croches et doubles-croches), superposés dès le premier solo. Plus encore, on constate que Bach, loin de multiplier les thèmes ou d’enchaîner des caractères, veille à l’homogénéité de chaque mouvement en réduisant le nombre d’idées, et en en resserrant le développement. L’essence du dialogue demeurant l’imitation entre groupe et soliste, les mouvements vifs sont marqués par l’émancipation de l’orchestre alors que l’esprit de la cantilène l’emporte dans les mouvements lents. Pour conclure, notons que l’art du concerto réside ici dans le dessin, la définition de la ligne mélodique, dans un style délicatement fleuri, où les figures abondent, entre procédés de répétition et marches harmoniques, tout en proposant diverses expressions puisque la musique de Bach, loin de se limiter à des jeux de construction, était tout d’abord un art de l’éloquence et de la représentation des passions. Et ouvrait la porte du théâtre avec des contrastes de nuances assez saisissants.
– François-Gildas Tual
Xenakis, Aroura
Composition : 1971.
Création : Lucerne (Suisse), 24 août 1971, par les cordes du Festival de Lucerne sous la direction de Rudolf Baumgartner.
Venu très tard à la musique, qu’il se contente d’écouter durant de longues années, Xenakis fait d’abord des études scientifiques à Athènes. Mais, à la suite de ses activités résistantes durant la Seconde Guerre mondiale, il s’exile en France où il est finalement amené à collaborer avec Le Corbusier. En parallèle, il passe brièvement dans la classe de composition d’Arthur Honegger, puis dans celle d’Olivier Messiaen, qui lui conseille : «Ne refaites plus les études traditionnelles, vous n’en avez pas besoin, écoutez la musique et composez.» Il nourrit son esthétique de diverses découvertes, telles celles des musiques extra-européennes ou de la musique concrète, tout en s’intéressant de très près au rapport entre les mathématiques et la musique, mais aussi à l’informatique. Il explique dans son Esquisse d’autobiographie, publiée en 1980 : «La musique que j’ai composée pendant des années a été une sorte de mouvement dialectique entre ce que j’écrivais, comme musicien, avec mon instinct et mes sens, et ce que je diversifiais par une approche théorique contrôlée par l’ordinateur. Mais cette recherche assez simple dans son principe a donné lieu à bien des malentendus. […] Beaucoup ont pensé que, puisqu’il y avait des mathématiques dans ma musique, celle-ci devait être une musique froide.»
«Une construction architecturale de nombreuses strates successives ou simultanées»
Aroura, composé en 1971 pour douze cordes solistes (ou un multiple de ce nombre), «représente les textures sonores de la Terre (ce mot a la même racine que “aire” ou “arène” dans les langues romanes)», explique Xenakis, avant de donner des exemples de ces textures audibles : «un groupe de glissandi montants, auto-renouvelés», «une longue section de col legno pour cordes (lorsqu’on frappe les cordes avec le dos de l’archet)»… L’œuvre est marquée par «la création de textures de plus en plus complètes à partir des textures formées au niveau précédent, associées pour former le niveau supérieur. Ainsi, des épaisseurs successives et liées forment une construction architecturale de nombreuses strates successives ou simultanées, soumises au temps ou indépendantes du temps. C’est l’idée de base d’Aroura et de sa structure, que l’on entend assez clairement lorsque l’œuvre est interprétée».
– Angèle Leroy
Brahms, Quintette à cordes op. 111
Composition : achevée à l’été 1890.
Création : Vienne, 11 novembre 1890, par les membres du Quatuor Rosé et un altiste invité.
Après les sextuors à cordes dans les années 1860 et les quatuors dans les années 1870, la décennie 1880 voit Brahms accoster aux rives du quintette à cordes. Le genre a été provisoirement abordé en 1861-1862, au moment de la composition de ce qui allait devenir, après une version pour deux pianos elle aussi publiée, le Quintette pour piano et cordes op. 34b ; mais, alors que le Brahms de 30 ans avait choisi l’effectif schubertien de deux violons, un alto et deux violoncelles, le cinquantenaire, lui, préfère réunir deux violons, deux altos et un violoncelle, d’abord en 1882 (Quintette op. 88) puis en 1890 (Quintette op. 111).
«Avec ceci, vous pouvez dire adieu à ma musique»
«Avec ceci, vous pouvez dire adieu à ma musique – car il est réellement temps de m’arrêter», confie Brahms à son éditeur Simrock en lui envoyant quelques corrections à propos du Quintette op. 111. À Eusebius Mandyczewski, il explique : «Voilà longtemps que je me tourmente avec toutes sortes de choses, une symphonie, de la musique de chambre et d’autres compositions, et rien ne m’est venu de tout cela. Par-dessus tout, j’étais habitué à ce que les choses m’apparaissent clairement. Je crois que cela a changé. J’arrête, tout simplement. Toute ma vie, j’ai été travailleur, maintenant je vais être paresseux.»
Brahms n’a que 57 ans, mais il se sent arrivé au bout de son chemin exigeant de compositeur : le Quintette op. 111 fait pourtant une tout autre impression, porté qu’il est d’un souffle vigoureux. S’enthousiasmant de son énergie bouillonnante, l’ancienne élève de Brahms, Elisabeth von Herzogenberg, répond au compositeur : «Celui qui a pu inventer tout cela devait véritablement être dans une heureuse disposition d’esprit ! C’est l’œuvre d’un homme de 30 ans.»
La partition ne fut pas pour autant sans essuyer quelques critiques, notamment de la part de Joseph Joachim, qui trouvait l’écriture instrumentale parfois malaisée – tout particulièrement dans les premières mesures, où un violoncelle impétueux, presque straussien, s’élance au-dessus d’une pâte sonore faite de batteries jouées forte par les quatre autres instruments. Il reste indubitablement à cette exposition brillante quelque chose de l’esprit, si ce n’est de la lettre (comme l’affirmait le premier biographe de Brahms Max Kalbeck), de cette cinquième symphonie un moment envisagée par Brahms.
L’ému Adagio suivant fait cette fois la part belle au premier alto pour un thème et variations très libre, qui n’est pas sans rappeler dans une version plus légère celui – rendu très célèbre par le film Les Amants de Louis Malle en 1958 – du Sextuor op. 18, lui aussi en ré mineur.
Un troisième mouvement valsant, tout irisé de mouvants contretemps, fait office de scherzo, un scherzo où certains ont entendu l’écho de la musique populaire viennoise qu’affectionnait Brahms (l’atmosphère du premier mouvement et de celui-ci ont d’ailleurs valu à l’œuvre le surnom de «Prater-Quintett», d’après le nom du parc viennois).
Il mène à un exubérant finale alla zingarese, digne héritier, dans sa vitalité et son entrain, des feux d’artifices qui achevaient le Quatuor pour piano et cordes n° 1 en 1861 ou le Concerto pour violon et orchestre de 1879.
– A. L.
Le Podcast de L’AO
Les musiciens de l’Orchestre national d’Auvergne
VIOLONS I
Guillaume CHILEMME
Violon solo
Ryo KOJIMA
Violon cosoliste
Yoh SHIMOGORY
Raphaël BERNARDEAU
Marta PETRLIKOVA
Lina OCTEAU
VIOLONS II
Harumi VENTALON
Violon chef d’attaque
Élise LIU
Philippe PIERRE
Louis-Jean PERREAU
Robert MCLEOD
ALTOS
Cyrille MERCIER
Alto solo
Baptiste VAY
Isabelle HERNAÏZ
Cédric HOLWEG
VIOLONCELLES
Jean-Marie TROTEREAU
Violoncelle solo
Takashi KONDO
Éric MOSCHETTA
Jean-Philippe MARTIGNONI
CONTREBASSES
Ricardo DELGADO
Contrebasse solo
Laurent BÉCAMEL
CLAVECIN
Kazuya GUNJI