Notes de programme

DAPHNIS ET CHLOÉ

Jeu. 11 mai | sam. 13 mai 2023

Retour au concert des jeudi 11 et samedi 13 mai 2023

Programme détaillé

Hector Berlioz (1803-1869)
Ouverture de Béatrice et Bénédict

[8 min]

Camille Saint-Saëns (1835-1921)
Concerto pour violoncelle n° 1, en la mineur, op. 33

Allegro non troppo – Allegro molto – Tempo I° – Allegretto con moto con moto – Tempo I° – Un peu moins vite – Più allegro comme le premier mouvement

[19 min]

Maurice Ravel (1875-1937)
Daphnis et Chloé, suite n° 2

Lever du Jour – Pantomime – Danse générale 

[18 min]

 

Concert sans entracte.

Distribution

Orchestre national de Lyon
Nikolaj Szeps-Znaider 
direction
Steven Isserlis violoncelle

Berlioz, Ouverture de Béatrice et Bénédict

Composition : entre décembre 1861 et février 1862.
Création : Baden-Baden, théâtre du Casino de Bade, 9 août 1862, sous la direction de l’auteur.
Dédicace : à Édouard Bénazet.

Dans la dernière décennie de sa vie, Berlioz était un homme fatigué et aigri. Il avait lutté sans grande réussite pour imposer son talent en France et devait se résigner à ne jamais voir, de son vivant, son opéra Les Troyens représenté dans son intégralité. De 1856 à 1861, toutefois, ses étés furent égayés par des séjours à Baden-Baden, ville thermale allemande en vogue dont le directeur du casino, Édouard Bénazet, lui avait confié l’organisation et la direction musicale d’un concert de gala annuel.

Bénazet avait également fait construire un théâtre, et en 1858 il commanda à Berlioz un ouvrage pour son inauguration. Après des tergiversations, le choix du sujet se fixa sur la pièce de Shakespeare Beaucoup de bruit pour rien [Much Ado About Nothing], que Berlioz adapta lui-même sous le titre de Béatrice et Bénédict.

Depuis 1827, Berlioz avait prouvé en de nombreuses occasions son attachement au dramaturge anglais. Cette dévotion, plutôt associée aux affres de passions amoureuses contrariées, prit avec le nouvel opéra le tour d’une comédie légère. L’ouverture introduit magnifiquement la verve et la tendresse sereine de l’ouvrage, avec le brio orchestral et l’originalité structurelle propres à Berlioz. Commençant par un piquant Allegretto scherzando, elle fait entendre ensuite, à la clarinette, l’air chanté par Béatrice à l’acte II. Les deux thèmes se mêlent en un habile contrepoint dans la section finale. 

La composition de l’opéra commença en octobre 1860, mais l’ouverture fut la dernière page écrite, début 1862. Le printemps fut endeuillé par le décès brutal de Marie Recio, la seconde épouse du compositeur, le 13 juin. Béatrice et Bénédict fut néanmoins présenté avec un immense succès au public du flambant neuf Théâtre de Bade, le 9 août. Ce serait la dernière œuvre achevée de Berlioz, miné par la maladie, et son seul opéra à avoir été monté sans difficultés.

– Claire Delamarche

Saint-Saëns, Concerto pour violoncelle n° 1

Composition : novembre 1872.
Création : 19 janvier 1873 à Paris, par Auguste Tolbecque, violoncelle, et l’Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, dirigé par Édouard Deldevez.

«De tous les instruments aptes à interpréter une idée mélodique, aucun ne possède au même degré que le violoncelle l’accent de la voix humaine, aucun n’atteint aussi sûrement les fibres intimes du cœur.»
François-Auguste Gevaert, Nouveau Traité d’instrumentation (1885)

Compositeur prolifique s’il en fut, Saint-Saëns laisse dix concertos, sept sonates en duo et de nombreuses autres pièces instrumentales, nées pour la plupart dans les années 1870. Au lendemain du désastre de Sedan, il avait en effet fondé avec Romain Bussine la Société nationale de musique, destinée à promouvoir la musique instrumentale des jeunes compositeurs français à une époque où elle était l’apanage des musiciens germaniques. La Première Sonate pour violoncelle et piano et le Premier Concerto pour violoncelle, composés en 1872, assurèrent à leur création (1873 et 1875) la renommée internationale du compositeur. Toutefois, pendant que sa musique instrumentale connaissait un tel succès, les théâtres lyriques restaient obstinément sourds à ses tentatives de conquête répétées. Ainsi, 1872 fut également l’année où l’opéra en un acte La Princesse jaune passa inaperçu à l’Opéra-Comique, et Saint-Saëns dut attendre 1892 pour entrer enfin, et triomphalement, à l’Opéra de Paris, avec Samson et Dalila

La longévité de Saint-Saëns force l’admiration tout en lui portant préjudice. On a en effet conservé l’image du musicien vieillissant, composant jusqu’en 1920 une musique d’un autre temps tandis que Debussy, Stravinsky, Schönberg ou Bartók menaient leurs révolutions. C’est oublier qu’il fut, dans les dernières décennies du XIXe siècle, un musicien à la pointe de l’innovation, ardent défenseur de Berlioz, Liszt et Wagner. Le Premier Concerto pour violoncelle en apporte le témoignage, au même titre que la Troisième Symphonie «avec orgue».
On reconnaît la marque de Liszt – son Deuxième Concerto pour piano et sa Sonate en si mineur notamment – dans la forme choisie ici : un mouvement unique, synthèse entre les trois mouvements habituels d’un concerto (vif/lent/vif) et la forme sonate bithématique gouvernant généralement la structure d’un premier mouvement. Le concerto se distingue en outre par le choix du violoncelle, à une époque où le piano et le violon régnaient en maîtres sur le genre, et par l’équilibre entre soliste et orchestre : Saint-Saëns s’inscrit ici dans l’héritage de Beethoven et des Allemands, quand la tradition latine traitait plutôt les solistes comme des divas d’opéra.

L’Allegro non troppo s’annonce comme une forme sonate traditionnelle. Deux thèmes sont en lice : le premier, d’une exubérance juvénile, énoncé par le violoncelle ; le second fugace et rêveur. Leur développement donne lieu à des échanges serrés entre soliste et orchestre. Mais Saint-Saëns élude la réexposition attendue, comme l’avait fait Schumann dans sa Quatrième Symphonie, d’une structure assez proche. On entre alors dans l’Allegretto con moto central, un menuet aux accents estompés sur lequel se greffe la méditation du violoncelle. Reprenant le tempo et le thème principal de la première partie, le volet final réalise en quelque sorte les promesses de cette forme sonate avortée. Le violoncelle entraîne l’orchestre dans un mouvement étincelant. Jusque-là discrète, sauf en de rares endroits, la virtuosité s’expose de manière plus ostensible, sans toutefois occulter jamais le discours musical. Toujours généreux, Saint-Saëns fait surgir plusieurs idées nouvelles et gratifie même le soliste, dans la coda, d’un thème ultime de toute beauté. 

– C. D.

Ravel, Daphnis et Chloé

Composition : de juin 1909 à avril 1912.
Création (ballet intégral) : Paris, théâtre du Châtelet, 8 juin 1912, sous la direction de Pierre Monteux. 

En 1909, Ravel entreprit la composition d’une «symphonie chorégraphique» d’après un roman grec du IIe siècle après J.C., Les Amours de Daphnis et Chloé de Longus. Il répondait à une commande de Diaghilev, directeur de la compagnie des Ballets russes. L’argument était dû au chorégraphe de la troupe, Michel Fokine. «Mon intention en l’écrivant, déclare Ravel, était de composer une vaste fresque musicale, moins soucieuse d’archaïsme que de fidélité à la Grèce de mes rêves qui s’apparente assez volontiers à celle qu’ont imaginée et dépeinte les artistes français de la fin du XVIIIe siècle.» Ce ballet, qui lui coûta beaucoup de temps et d’efforts, est son œuvre la plus vaste.

Rigoureusement construite, elle est unifiée par un certain nombre de thèmes, à la manière d’une symphonie cyclique. Ce chef-d’œuvre dont la première représentation fut dansée par Nijinski et Karsavina, dans de magnifiques décors et costumes de Léon Bakst, mit pourtant quelques années à s’imposer à la scène. Pour pouvoir le faire entendre plus facilement au concert, Ravel en tira deux suites d’orchestre, constituées d’extraits essentiels, qui sont très vite devenues des pages d’orchestre très célèbres.

La deuxième suite, qui correspond aux scènes finales du ballet, commence par un célèbre «Lever du jour», page radieuse parée de chants d’oiseaux, où la lumière monte des profondeurs en vagues successives, irrésistibles. Le thème d’amour de Daphnis et Chloé se déploie avec un lyrisme passionné : les amants se retrouvent, grâce à l’intervention surnaturelle du dieu Pan. La «Pantomime», où le couple mime les amours de Pan et Syrinx, est animée par la flûte solo, aux traits vertigineux. Enfin, la «Danse générale» à cinq temps entraîne progressivement tout l’orchestre dans une somptueuse bacchanale où l’ivresse chorégraphique atteint son sommet.

– Isabelle Rouard

Le podcast de L’AO