Notes de programme

SAINT-SAËNS / MENDELSSOHN

Je. 26 nov. / Sa. 28 nov. 2020

Programme détaillé

Augusta Holmès (1847-1903)
La Nuit et l’Amour, extrait de «Ludus pro patria»

[6 min]

Camille Saint-Saëns (1835-1921)
Concerto pour violoncelle n° 1, en la mineur, op. 33

Allegro non troppo – Allegro molto – Tempo I° – Allegretto con moto con moto – Tempo I° – Un peu moins vite – Più allegro comme le premier mouvement
[19 min]

Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847)
Symphonie n° 4, en la majeur, op. 90, «Symphonie italienne»

I. Allegro vivace
II. Andante con moto
III. Con moto moderato
IV. Saltarello : Presto
[27 min]

Concert sans entracte.

Orchestre national de Lyon
Nikolaj Szeps-Znaider
direction
Edgar Moreau violoncelle

Introduction

Le nom d’Augusta Holmès vous dit-il quelque chose ? Alors qu’elle suscita l’admiration de nombreux pairs, parmi lesquels Franz Liszt, César Franck et Camille Saint-Saëns – lequel est allé jusqu’à demander sa main à plusieurs reprises –, sa musique est aujourd’hui largement oubliée. La brève page orchestrale qui ouvrira le concert de ce soir, La Nuit et l’Amour, montre qu’il est certainement temps de redécouvrir cette remarquable compositrice.

Si la musique de Holmès figure à ce programme, c’est que nous avons dû malheureusement apporter quelques modifications à nos projets initiaux. Même si nous avons le droit de nous produire avec un orchestre symphonique complet, nous avons jugé plus prudent, en ces temps de confinement, de ne pas réunir trop de musiciens en même temps sur scène et dans les couloirs étroits des coulisses de l’Auditorium.

Pour cette raison, nous avons remplacé La Mer de Debussy par la Symphonie italienne de Mendelssohn, que nous avions initialement prévu de jouer il y a deux semaines, lorsque nous avons dû annuler tous nos concerts. Notre directeur musical, Nikolaj Szeps-Znaider, travaille cette saison avec l’orchestre sur le répertoire du début du romantisme (avec également l’intégrale des symphonies de Robert Schumann), et le chef-d’œuvre pétillant de Mendelssohn s’inscrit parfaitement dans cette ligne artistique.

Nous espérons que vous apprécierez le concert de ce soir et que la musique d’Augusta Holmès sera une aussi belle découverte pour vous qu’elle l’est pour nous.

Ronald Vermeulen
Délégué artistique de l’Auditorium-Orchestre national de Lyon

Holmès, La Nuit et l’Amour

Composition : 1888.
Création : Paris, Conservatoire, 4 mars 1888, par l’Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, sous la direction de Jules Garcin (Ludus pro patria) ; Paris, palais du Trocadéro, 6 juin 1889, par l’Association artistique du Châtelet, sous la direction d’Édouard Colonne (La Nuit et l’Amour).

«Comme les enfants, les femmes ne connaissent pas d’obstacles ; et leur volonté brise tout. Mademoiselle Holmès est bien femme, c’est une “outrancière”.»
Camille Saint-Saëns, Harmonie et Mélodie

Certainement connaissez-vous sans le savoir une œuvre d’Augusta Holmès : le noël Trois anges sont venus ce soir, popularisé par Tino Rossi. Et aussi les visages de ses trois petites filles musiciennes, immortalisés par Renoir dans un célèbre tableau conservé au Metropolitan Museum of Arts de New York : Les Filles de Catulle Mendès (1888). Car la compositrice d’origine britannique et irlandaise fut une vingtaine d’années la compagne de l’écrivain, auteur notamment des livrets de Gwendoline de Chabrier et Ariane de Massenet.

Née à Paris le 16 décembre 1847, deux mois avant qu’une révolution ne renverse la monarchie de Juillet, Augusta Holmès se distinguait par un caractère indépendant, le goût du défi et l’horreur des conventions – sa lutte contre des parents voulant la détourner de sa vocation autant que sa vie avec un poète par ailleurs marié et père de famille, dont elle eut cinq enfants. Augusta servit comme infirmière pendant la guerre de 1870 et chanta la grandeur de la France en 1889, où son Ode triomphale rassemblant 1200 interprètes célébra le centenaire de la prise de la Bastille tout en couronnant l’Exposition universelle. Cette commande et de nombreuses autres, en France comme à l’étranger, et même sur la scène –jusque-là inaccessible aux femmes – de l’Opéra de Paris (La Montagne noire, 1895), témoignent du prestige dont elle jouissait en son temps, auprès de musiciens tels César Franck (son professeur), Richard Wagner, Franz Liszt ou Camille Saint-Saëns (qui demanda sa main) autant que des poètes ou des institutions. Cela n’empêcha pas son nom de sombrer dans un oubli dont il commence peu à peu à resurgir.

Ludus pro patria [Jeu pour la patrie] est la dernière des quatre partitions composées par Holmès sur des sujets patriotiques, après Lutèce (1878), Irlande (1882) et Pologne (1883). L’œuvre, présentée comme une ode-symphonie pour récitant, chœur et orchestre, repose sur un poème de la propre main de la compositrice et s’inspire du tableau homonyme de l’artiste lyonnais Pierre Puvis de Chavannes, conservé au Metropolitan Museum of Arts de New York. Sur cette reproduction réduite d’une fresque ornant les murs du musée de Picardie, à Amiens, on voit de jeunes athlètes s’entraîner au maniement des piques, armes traditionnelles de la région qui seraient liées à l’origine de son nom.

La première audition de Ludus pro patria eut lieu le 4 mars 1888 au Conservatoire, avec le concours d’une star de la Comédie-Française, Mounet-Sully. Le succès fut si retentissant que l’œuvre dut être redonnée la semaine suivante (un privilège qu’avait également connu la Troisième Symphonie, «avec orgue», de Saint-Saëns un an plus tôt). Dans la Revue des Deux Mondes, Camille Bellaigue s’exclama : «Quelle poigne, et quelle touche virile !» Le qualificatif de «viril» reviendra souvent pour décrire la musique d’Holmès, comme si une femme ne pouvait écrire autre chose que des pièces douces ou mièvres – quand bien même on lui accordait le droit d’en écrire.

Amour ! Verbe divin ! Générateur des mondes !
Amour ! Instigateur des extases fécondes !
Amour ! ô vainqueur des vainqueurs

La Nuit et l’Amour est le deuxième des quatre mouvements et fait office d’interlude instrumental. Un an après la création de l’ode-symphonie, elle en fut extraite par la compositrice pour connaître un destin autonome. Holmès en réalisa en outre des transcriptions qui assurèrent sa diffusion ; cela resta la seule de ses pièces à s’inscrire dans la postérité. Au milieu d’une vaste fresque guerrière, cette page nocturne notée andante amoroso célèbre d’autres conquêtes : celles de l’amour. La clef est donné par le texte qui, dans l’ode-symphonie, est récité avant le morceau et conclut : «Amour ! Verbe divin ! Générateur des mondes ! Amour ! Instigateur des extases fécondes ! Amour ! ô vainqueur des vainqueurs…» Flûtes, cors et harpes plantent le décor d’une nuit idyllique, sur un balancement de trois notes. S’élève ensuite le thème principal, aux violoncelles. Les différents pupitres se relaient pour déployer cette longue phrase, inextinguible à l’instar d’une mélodie wagnérienne. Le tissu musical s’intensifie jusqu’à un sommet passionné. Mais la sérénité reprend le dessus, et la pièce se referme dans le silence, sur les balancements initiaux.

Claire Delamarche

Le texte

LE RÉCITANT
Les navires de l’ombre ont déployé leurs ailes
Sur l’océan céleste où luisent les étoiles,
Fanaux lointains de l’infini ;
Voici l’heure où les blancs agneaux cherchent leurs mères,
Voici l’heure des rêves bleus et des chimères,
Voici le soir, le soir béni.

Sous les rameaux obscurs mouillés de clartés pâles,
Dans un ruissellement de liquides opales,
Voyez-les marcher deux à deux,
Les doux êtres sacrés qui se disent : «Je t’aime !
— Je donnerais la terre et l’onde et le ciel même
Pour une fleur dei tes cheveux !»

Ô mousse veloutée, ô plumes des fougères,
Lierre lustré rampant en guirlandes légères,
Faites-vous plus doux sous leurs pas !
Brises qui balancez les blés mûrs de la plaine,
Oiseaux extasiés, retenez votre haleine,
Car les amoureux parlent bas.

Ils vont, les yeux noyés d’espoir, les mains tremblantes…
Qui donc lia si fort leurs âmes vacillantes
D’un lien qu’on ne peut briser ?
L’air s’alanguit ; un chaud parfum sort des corolles,
Tandis que sur la lèvre où meurent les paroles
Brûle la pourpre du baiser.

Amour ! Verbe divin ! Générateur des mondes !
Amour ! Instigateur des extases fécondes !
Amour ! ô vainqueur des vainqueurs
Qui fais rougir la vierge au toucher de ton aile,
Porte-sceptre nimbé de rose et d’asphodèle,
Unis les lèvres et les cœurs !

Augusta Holmès

Saint-Saëns, Concerto pour violoncelle n° 1

Composition : novembre 1872.
Création : 19 janvier 1873 à Paris, par Auguste Tolbecque, violoncelle, et l’Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, dirigé par Édouard Deldevez.

De tous les instruments aptes à interpréter une idée mélodique, aucun ne possède au même degré que le violoncelle l’accent de la voix humaine, aucun n’atteint aussi sûrement les fibres intimes du cœur.
François-Auguste Gevaert, Nouveau Traité d’instrumentation (1885)

Compositeur prolifique s’il en fut, Saint-Saëns laisse dix concertos, sept sonates en duo et de nombreuses autres pièces instrumentales, nées pour la plupart dans les années 1870. Au lendemain du désastre de Sedan, il avait en effet fondé avec Romain Bussine la Société nationale de musique, destinée à promouvoir la musique instrumentale des jeunes compositeurs français à une époque où elle était l’apanage des musiciens germaniques. La Première Sonate pour violoncelle et piano et le Premier Concerto pour violoncelle, composés en 1872, assurèrent à leur création (1873 et 1875) la renommée internationale du compositeur. Toutefois, pendant que sa musique instrumentale connaissait un tel succès, les théâtres lyriques restaient obstinément sourds à ses tentatives de conquête répétées. Ainsi, 1872 fut également l’année où l’opéra en un acte La Princesse jaune passa inaperçu à l’Opéra-Comique, et Saint-Saëns dut attendre 1892 pour entrer enfin, et triomphalement, à l’Opéra de Paris, avec Samson et Dalila.

La longévité de Saint-Saëns force l’admiration tout en lui portant préjudice. On a en effet conservé l’image du musicien vieillissant, composant jusqu’en 1920 une musique d’un autre temps tandis que Debussy, Stravinsky, Schönberg ou Bartók menaient leurs révolutions. C’est oublier qu’il fut, dans les dernières décennies du XIXe siècle, un musicien à la pointe de l’innovation, ardent défenseur de Berlioz, Liszt et Wagner. Le Premier Concerto pour violoncelle en apporte le témoignage, au même titre que la Troisième Symphonie «avec orgue».

On reconnaît la marque de Liszt – son Deuxième Concerto pour piano et sa Sonate en si mineur notamment – dans la forme choisie ici : un mouvement unique, synthèse entre les trois mouvements habituels d’un concerto (vif/lent/vif) et la forme sonate bithématique gouvernant généralement la structure d’un premier mouvement. Le concerto se distingue en outre par le choix du violoncelle, à une époque où le piano et le violon régnaient en maîtres sur le genre, et par l’équilibre entre soliste et orchestre : Saint-Saëns s’inscrit ici dans l’héritage de Beethoven et des Allemands, quand la tradition latine traitait plutôt les solistes comme des divas d’opéra.

L’Allegro non troppo s’annonce comme une forme sonate traditionnelle. Deux thèmes sont en lice : le premier, d’une exubérance juvénile, énoncé par le violoncelle ; le second fugace et rêveur. Leur développement donne lieu à des échanges serrés entre soliste et orchestre. Mais Saint-Saëns élude la réexposition attendue, comme l’avait fait Schumann dans sa Quatrième Symphonie, d’une structure assez proche. On entre alors dans l’Allegretto con moto central, un menuet aux accents estompés sur lequel se greffe la méditation du violoncelle. Reprenant le tempo et le thème principal de la première partie, le volet final réalise en quelque sorte les promesses de cette forme sonate avortée. Le violoncelle entraîne l’orchestre dans un mouvement étincelant. Jusque-là discrète, sauf en de rares endroits, la virtuosité s’expose de manière plus ostensible, sans toutefois occulter jamais le discours musical. Toujours généreux, Saint-Saëns fait surgir plusieurs idées nouvelles et gratifie même le soliste, dans la coda, d’un thème ultime de toute beauté.

Claire Delamarche

Mendelssohn, Symphonie n° 4, «Italienne»

Composition : 1830-1833.
Création : Londres, London Philharmonic Society, 13 mai 1833.

De 1818 à 1829, dans le cours d’esthétique qu’il donnait à l’université de Berlin, Friedrich Hegel scruta inlassablement le processus créateur ; il pesa les vertus comparées des arts, définit la beauté et l’émotion en des termes qui, aujourd’hui encore, continuent d’interroger. Comment réaliser le fragile équilibre entre nécessité et liberté, règles et imagination ? «L’harmonie, explique le philosophe, ne renferme que les rapports essentiels, les lois nécessaires qui régissent les sons. Mais elle n’est pas encore par elle-même, pas plus que la mesure et le rythme, la musique proprement dite. Ce sont là seulement les bases substantielles, le sol et le terrain sur lesquels l’âme doit librement se mouvoir

En 1828, un compositeur de 19 ans boit ses paroles plus avidement que quiconque. Petit-fils du philosophe Moses Mendelssohn, il se prénomme Felix et, après treize symphonies à cordes et une pour grand orchestre, il a délaissé le genre depuis quatre ans, le temps de mûrir quelque peu. Gavé de fugues par le sévère Zelter, fasciné par Bach et Händel, puis par Mozart et Haydn, cet esprit savant a assimilé les lois des siècles précédents ; il réclame à présent de s’épanouir, pour que se réalise l’alchimie prônée par Hegel. Son inspiration, Mendelssohn la trouvera hors de la musique : dans la poésie et la peinture, qu’il a pratiquées assidûment depuis l’enfance ; dans la nature et la littérature ; dans la foi, enfin, inculquée par son père Abraham, juif qui a converti toute sa famille au luthérianisme en 1816.

Plusieurs voyages lui apporteront cette ouverture d’esprit : l’Angleterre et l’Écosse, en 1829 ; puis l’Italie, où il demeurera presque un an ; enfin Paris (hiver 1831-1832), et à nouveau Londres (printemps 1832).

Observer la vie qui anime les rues de Venise, Rome ou Naples

Le séjour en Italie se révèle, pour le jeune homme cultivé qu’est Mendelssohn, un enchantement de chaque instant. Il se délecte bien sûr à la vue des toiles du Titien ou du Caravage, admire les ruines romaines autant que les églises baroques. Il rencontre d’éminents personnages comme, à Rome, le peintre Horace Vernet ou le compositeur Hector Berlioz. Il prend également beaucoup de plaisir à observer la vie qui anime les rues de Venise, Rome ou Naples, ou à se promener dans les campagnes environnantes. Ainsi imprégné de ce que l’Italie offre de meilleur, il commence la composition d’une nouvelle symphonie, qui portera finalement le numéro 4 : la Symphonie italienne. Les premières esquisses voient le jour à Rome au cours de l’automne 1830 et, en février de l’année suivante, Mendelssohn peut écrire à sa famille, de Naples : «Ma Symphonie italienne progresse rapidement.» Lorsqu’il quitte Naples au début du mois de juin, le premier mouvement est achevé. Le reste de la partition naîtra plus difficilement. Mendelssohn s’y attèle par épisodes, sans réussir à la terminer. C’est la commande d’une œuvre symphonique par la London Philharmonic Society, en novembre 1832, qui lui donne l’impulsion nécessaire pour l’achever. L’encre est à peine sèche lorsqu’il remet son manuscrit aux commanditaires. La création a lieu avec succès le 13 mai 1833, au cours d’un concert où Mendelssohn est en outre le soliste du Concerto en ré mineur KV 466 de Mozart.

Insatisfait de son œuvre, Mendelssohn ne la fait pas publier. Il laisse le manuscrit entre les mains du pianiste et compositeur Ignaz Moscheles, installé à Londres, qui assure quelques exécutions supplémentaires dans la capitale anglaise, toujours accueillies avec succès. Mendelssohn entreprend de réviser la symphonie dans le sens d’une plus grande austérité. En envoyant l’Andante con moto à sa sœur Fanny, le 5 juillet 1834, il se déclare très content des corrections. «Je travaillerai au premier mouvement plus tard», promet-il. Il ne tiendra jamais parole, et seuls les trois derniers mouvements seront révisés ; ils dormiront jusqu’à leur publication récente. En 1849, deux ans après la mort de Mendelssohn, la Symphonie italienne sera enfin présentée au public allemand, et en 1851 elle pourra être éditée, grâce aux bons soins de Moscheles.

La partition pas à pas

On a peine à croire que Mendelssohn ait pu douter ainsi de cette partition si généreuse, si enjouée. Tout à l’enthousiasme de son voyage, il a composé une œuvre juvénile, sans véritable mouvement lent. Comme Rome, que le compositeur aimait tant pour son mélange d’élévation spirituelle, voire de gravité, et de «doux farniente», la symphonie évolue entre rigueur, élégance et gaieté, et la forme, apparemment si classique et soignée, n’hésite pas à faire fi des canons pour laisser s’épanouir l’inspiration. Un troisième thème surgit par exemple au beau milieu du développement de l’Allegro vivace initial, qui adopte par ailleurs la découpe traditionnelle d’un allegro de sonate bithématique. Le rythme enlevé de ce mouvement, à 6/8, rappelle celui d’une danse de l’Italie méridionale, la tarentelle.

L’Andante con moto est un sublime chant sans paroles, dont chaque accent est pesé. Dénué de sentimentalité, il se déroule sur une base immuable, tel un souvenir amusé des exercices d’harmonies passés – entre-temps, Mendelssohn était devenu un adulte pleinement maître de ses moyens artistiques, et le professeur Zelter s’était mué en ami. Le caractère solennel de ce morceau n’est pas sans évoquer les processions religieuses que le compositeur a pu entendre dans les rues de Naples. (À en croire Moscheles, il s’agirait plus précisément d’un chant de pèlerins tchèques.)

Le Con moto moderato est un menuet qui cache son nom. Avec son thème de cordes gracieux et fluide, pimenté par les vents, il encadre un trio confié aux bassons et cors, dont le motif réapparaîtra dans la coda.

Le Saltarello final se remémore le carnaval de Rome, dont l’exubérance, en 1831, avait été d’autant plus intense qu’il coïncidait avec l’élection du pape Grégoire XVI. Son rythme ternaire sautillant et son titre sont empruntés à une danse populaire italienne, la saltarelle, que Mendelssohn avait pu entendre à Naples ou à Rome. Toutefois, alors que tant de symphonies dans le mode mineur s’éclairent, dans leur finale, par le passage au mode majeur, l’Italienne effectue le trajet inverse : si le premier mouvement était en la majeur, le finale reste de bout en bout en la mineur, malgré son exubérance.

Mendelssohn disait avoir achevé l’Italienne à l’une des périodes les plus amères de sa vie, alors qu’il était tenaillé par une autocritique impitoyable qui rendait pénible tout processus créateur. Cette lutte contre lui-même est admirablement transcendée et, à entendre cette symphonie, on douterait presque qu’elle eût jamais existé.

Claire Delamarche

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