Avait-il rêvé, lorsqu’il étudiait le trombone au conservatoire, sur la colline de Fourvière, que l’Orchestre national de Lyon lui déroulerait ainsi le tapis rouge ? De la révélation à la consécration s’étire un chemin de vingt ans pour Benjamin Biolay, depuis l’album Rose Kennedy jusqu’au récent Grand Prix. Si les décennies suivantes ont vu l’horizon sonore de l’auteur-compositeur s’enrichir de nouvelles couleurs – flow hip-hop et spleen argentin –, il y a déjà dans ce premier album de 2001 tous les ingrédients si caractéristiques de la signature Biolay. Chez lui, la chanson s’entend au format cinémascope : un pied dans la tradition française de Trenet et Gainsbourg, l’autre dans un ailleurs atemporel, quelque part entre Liverpool, Rio et Hollywood. S’il chante sotto voce, il compose ample et lyrique en superposant de riches harmonies au piano, des envolées de cordes, des cuivres raffinés et une énergie rythmique irrésistible. Au fil des années, il aiguise une plume volontiers tranchante, souvent cruelle mais toujours poétique, qui lui vaut l’admiration de ses pairs mais aussi quelques inimitiés. Depuis le triomphe de La Superbe en 2010, les prix pleuvent (Victoires de la musique et même un César), les invitations à collaborer se multiplient : et si c’était lui, désormais, le «patron» de la chanson française ?