Il semble difficile de croire que la musique de Mahler vidait les salles il y a un peu plus de cinquante ans ; aujourd’hui c’est la bible de l’orchestre, et le public se presse pour l’entendre au même titre que Beethoven. Comme la Neuvième de ce dernier, celle de Mahler est une œuvre-monde, une somme philosophique en même temps qu’une expérience émotionnelle et sensible hors du commun. Les premiers mouvements paraissent cristalliser les cataclysmes de l’époque, la fin de la révolution industrielle et les débuts de la modernité. La première fois que vous entendez les ruptures de l’«Andante» ou les grincements de la «Burlesque», vous vous demandez ce qui vous arrive et pourquoi le sol se dérobe sous vos pieds ! Vient pour finir le long chant de l’«Adagio», et vous faites l’expérience d’une sublime beauté, qui vous paraîtrait peut-être désincarnée si vous écoutiez directement cette musique, mais qui prend, après avoir traversé tout ce qui précède, le sens d’une catharsis – au point qu’on ose à peine respirer de peur de troubler pareille perfection !
Nikolaj Szeps-Znaider
Directeur musical
Mahler, Symphonie n° 9
Nikolaj Szeps-Znaider