◁ Retour au concert du sam. 15 juin 2024
Programme détaillé
«La Nuit et l’Amour», extrait de Ludus pro patria
[6 min]
Concerto pour piano n° 2, en sol mineur, op. 22
I. Andante sostenuto
II. Allegro scherzando
III. Presto
[25 min]
--- Entracte ---
Symphonie fantastique, op. 14
(Épisode de la vie d’un artiste)
I. «Rêveries, Passions» : Largo, Allegro agitato ed appassionato assai
II. «Un bal» : Valse, Allegro non troppo
III. «Scène aux champs» : Adagio
IV. «Marche au supplice» : Allegretto non troppo
V. «Songe d’une nuit de sabbat» : Larghetto, Allegro, Ronde du Sabbat
[50 min]
Dans le cadre d’Unanimes ! Avec les compositrices, une initiative de l’Association française des orchestres.
Distribution
Orchestre national de Lyon
Nikolaj Szeps-Znaider direction
Marie-Ange Nguci piano
Introduction
«Fantastique», la symphonie de Berlioz l’est dans tous les sens du terme : sa manière de scruter les fantasmes de l’auteur, ses inventions orchestrales inouïes, ses cloches puissantes. Berlioz y prend modèle dans les symphonies de Beethoven mais évoque aussi les Confessions d’un mangeur d’opium anglais de Thomas de Quincey et surtout ne cesse de s’y raconter lui-même, bouleversé par son amour pour la jeune actrice irlandaise qui incarnait Ophélie lorsqu’il découvrit Hamlet, Harriet Smithson. Une évocation de la nuit et de l’amour cauchemardesque, au contraire de celle d’Augusta Holmès : La Nuit et l’Amour chante à n’en plus finir un bonheur extatique. C’est l’une des plus belles pages de cette compositrice dont la carrière sacrifiée témoigne, malgré le soutien de son «cher ami» Saint-Saëns, de la réalité de la femme artiste jusqu’à très récemment. Saint-Saëns est justement le compositeur qu’a choisi Marie-Ange Nguci lorsqu’elle a été immédiatement réinvitée en concerto, après le succès de son récital à l’Auditorium en février 2023. L’ex-enfant prodige du piano, entrée au Conservatoire de Paris à l’âge de 11 ans, a jeté son dévolu sur l’étincelant Deuxième Concerto de Saint-Saëns. Tour à tour tendre, lyrique ou passionnée, mais ne dédaignant pas une virtuosité purement spectaculaire, cette œuvre n’a pas son pareil pour révéler le talent d’un pianiste et pour ébouriffer le public.
Holmès, La Nuit et l’Amour
Composition : 1888.
Création : Paris, Conservatoire, 4 mars 1888, par l’Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, sous la direction de Jules Garcin (Ludus pro patria) ; Paris, palais du Trocadéro, 6 juin 1889, par l’Association artistique du Châtelet, sous la direction d’Édouard Colonne (La Nuit et l’Amour).
«Comme les enfants, les femmes ne connaissent pas d’obstacles ; et leur volonté brise tout. Mademoiselle Holmès est bien femme, c’est une “outrancière”.»
Camille Saint-Saëns (Harmonie et Mélodie)
Certainement connaissez-vous sans le savoir une œuvre d’Augusta Holmès : le noël Trois anges sont venus ce soir, popularisé par Tino Rossi. Et aussi les visages de ses trois petites filles musiciennes, immortalisés par Renoir dans un célèbre tableau conservé au Metropolitan Museum of Arts de New York : Les Filles de Catulle Mendès (1888). Car la compositrice d’origine britannique et irlandaise fut une vingtaine d’années la compagne de l’écrivain, auteur notamment des livrets de Gwendoline de Chabrier et Ariane de Massenet.
Auguste Renoir : Les Filles de Catulle Mendès (1888), Metropolitan Museum of Arts de New York
Née à Paris le 16 décembre 1847, deux mois avant qu’une révolution ne renverse la monarchie de Juillet, Augusta Holmès se distinguait par un caractère indépendant, le goût du défi et l’horreur des conventions – sa lutte contre des parents voulant la détourner de sa vocation autant que sa vie avec un poète par ailleurs marié et père de famille, dont elle eut cinq enfants. Augusta servit comme infirmière pendant la guerre de 1870 et chanta la grandeur de la France en 1889, où son Ode triomphale rassemblant 1200 interprètes célébra le centenaire de la prise de la Bastille tout en couronnant l’Exposition universelle. Cette commande et de nombreuses autres, en France comme à l’étranger, et même sur la scène – jusque-là inaccessible aux femmes – de l’Opéra de Paris (La Montagne noire, 1895), témoignent du prestige dont elle jouissait en son temps, auprès de musiciens tels César Franck (son professeur), Richard Wagner, Franz Liszt ou Camille Saint-Saëns (qui demanda sa main) autant que des poètes ou des institutions. Cela n’empêcha pas son nom de sombrer dans un oubli dont il commence peu à peu à resurgir.
Ludus pro patria [Jeu pour la patrie] est la dernière des quatre partitions composées par Holmès sur des sujets patriotiques, après Lutèce (1878), Irlande (1882) et Pologne (1883). L’œuvre, présentée comme une ode-symphonie pour récitant, chœur et orchestre, repose sur un poème de la propre main de la compositrice et s’inspire du tableau homonyme de l’artiste lyonnais Pierre Puvis de Chavannes, conservé lui aussi au Metropolitan Museum of Arts de New York. Sur cette reproduction réduite d’une fresque ornant les murs du musée de Picardie, à Amiens, on voit de jeunes athlètes s’entraîner au maniement des piques, armes traditionnelles de la région qui seraient liées à l’origine de son nom.
Pierre Puvis de Chavannes : Ludus pro patria (1888), Metropolitan Museum of Arts de New York
La première audition de Ludus pro patria eut lieu le 4 mars 1888 au Conservatoire, avec le concours d’une star de la Comédie-Française, Mounet-Sully. Le succès fut si retentissant que l’œuvre dut être redonnée la semaine suivante (un privilège qu’avait également connu la Troisième Symphonie, «avec orgue», de Saint-Saëns un an plus tôt). Dans la Revue des Deux Mondes, Camille Bellaigue s’exclama : «Quelle poigne, et quelle touche virile !» Le qualificatif de «viril» reviendra souvent pour décrire la musique d’Holmès, comme si une femme ne pouvait écrire autre chose que des pièces douces ou mièvre – quand bien même on lui accordait le droit d’en écrire.
La Nuit et l’Amour est le deuxième des quatre mouvements et fait office d’interlude instrumental. Un an après la création de l’ode-symphonie, elle en fut extraite par la compositrice pour connaître un destin autonome. Holmès en réalisa en outre des transcriptions qui assurèrent sa diffusion ; cela resta la seule de ses pièces à s’inscrire dans la postérité. Au milieu d’une vaste fresque guerrière, cette page nocturne notée andante amoroso célèbre d’autres conquêtes : celles de l’amour. La clef est donné par le texte qui, dans l’ode-symphonie, est récité avant le morceau et conclut : «Amour ! Verbe divin ! Générateur des mondes ! Amour ! Instigateur des extases fécondes ! Amour ! ô vainqueur des vainqueurs…» Flûtes, cors et harpes plantent le décor d’une nuit idyllique, sur un balancement de trois notes. S’élève ensuite le thème principal, aux violoncelles. Les différents pupitres se relaient pour déployer cette longue phrase, inextinguible à l’instar d’une mélodie wagnérienne. Le tissu musical s’intensifie jusqu’à un sommet passionné. Mais la sérénité reprend le dessus, et la pièce se referme dans le silence, sur les balancements initiaux.
– Claire Delamarche
(Augusta Holmès)
LE RÉCITANT
Les navires de l’ombre ont déployé leurs ailes
Sur l’océan céleste où luisent les étoiles,
Fanaux lointains de l’infini ;
Voici l’heure où les blancs agneaux cherchent leurs mères,
Voici l’heure des rêves bleus et des chimères,
Voici le soir, le soir béni.
Sous les rameaux obscurs mouillés de clartés pâles,
Dans un ruissellement de liquides opales,
Voyez-les marcher deux à deux,
Les doux êtres sacrés qui se disent : «Je t’aime !
— Je donnerais la terre et l’onde et le ciel même
Pour une fleur dei tes cheveux !»
Ô mousse veloutée, ô plumes des fougères,
Lierre lustré rampant en guirlandes légères,
Faites-vous plus doux sous leurs pas !
Brises qui balancez les blés mûrs de la plaine,
Oiseaux extasiés, retenez votre haleine,
Car les amoureux parlent bas.
Ils vont, les yeux noyés d’espoir, les mains tremblantes…
Qui donc lia si fort leurs âmes vacillantes
D’un lien qu’on ne peut briser ?
L’air s’alanguit ; un chaud parfum sort des corolles,
Tandis que sur la lèvre où meurent les paroles
Brûle la pourpre du baiser.
Amour ! Verbe divin ! Générateur des mondes !
Amour ! Instigateur des extases fécondes !
Amour ! ô vainqueur des vainqueurs
Qui fais rougir la vierge au toucher de ton aile,
Porte-sceptre nimbé de rose et d’asphodèle,
Unis les lèvres et les cœurs !
Saint-Saëns, Concerto pour piano n° 2
Composition : 1868.
Création : Paris, salle Pleyel, 13 mai 1868, sous la direction d’Anton Rubinstein, avec le compositeur au piano.
Publication : 1875, Durand, Paris.
Le Deuxième Concerto pour piano de Saint-Saëns est le plus connu de sa production. Il fut composé dix ans après le premier, essai de jeunesse sans grande originalité ; le compositeur avait alors plus de 30 ans. Par la suite, il revint au genre encore trois fois, achevant sa production à plus de soixante ans avec le Concerto n° 5, «Égyptien».
Séduisant, le Concerto en sol mineur n’emporta pas immédiatement l’adhésion : «Sauf le scherzo, qui plut du premier coup, [le concerto] réussit peu ; on s’accorda à trouver la première partie incohérente et le finale tout à fait manqué», confia plus tard le compositeur. Soliste lors de la création, il reconnaissait cependant n’avoir pas eu assez de temps pour travailler une partition difficile… et qui plus est écrite en trois semaines pour Anton Rubinstein. Le chef et pianiste russe, en tournée en France, désirait en effet diriger un concert avec Saint-Saëns au piano : les deux hommes se décidèrent pour une date trois semaines plus tard et Saint-Saëns, ayant suggéré une nouvelle œuvre pour l’occasion, se précipita à sa table de travail. Malgré cette conception un peu rapide, même pour un compositeur aussi prolifique que Saint-Saëns (qui composait «comme un pommier fait des pommes», de son propre aveu), la pièce lui valut les compliments de Liszt : «Très honoré ami, votre bonne lettre me promettait plusieurs de vos compositions ; je les ai attendues… et en attendant je viens vous remercier encore de votre deuxième concerto que j’applaudis vivement. La forme en est neuve, et très heureuse ; l’intérêt des trois morceaux va croissant, et vous tenez un juste compte de l’effet du pianiste sans rien sacrifier des idées du compositeur, – règle essentielle dans ce genre d’ouvrage», écrivit le Hongrois au Français en juillet 1869, avant de faire la liste des éléments qui lui plaisaient tout particulièrement.
Comme Liszt le soulignait, l’architecture du concerto n’est effectivement pas banale, puisqu’elle ne présente pas de mouvement lent : c’est le premier mouvement qui prend en charge un tempo modéré (andante sostenuto), avant l’accélération des deux parties suivantes (allegro scherzando pour le scherzo puis presto pour le finale). De plus, Saint-Saëns néglige la traditionnelle introduction orchestrale pour proposer immédiatement, en plus de la cadence* de fin de mouvement, une cadence initiale du soliste, qui sonne un peu austère, presque Bach parfois : on y sent l’influence du Saint-Saëns organiste. Elle était d’ailleurs pensée pour un piano à pédalier, qui permettait de jouer les basses avec les pieds, comme un orgue. Un thème emprunté au jeune Fauré mène ensuite à une mélodie élégiaque où l’on pense à Chopin. Le pianiste Sigismond Stojowski trouvait d’ailleurs que l’œuvre manquait d’unité, ce qu’il résuma d’une formule lapidaire, «de Bach à Offenbach» (et ce n’était pas un compliment…). L’Allegro scherzando, introduit par les timbales seules, est léger et fantasque (mendelssohnien, cette fois ?), et manie les changements d’éclairage avec enjouement. Le Presto couronne l’œuvre avec toute la verve qu’on attend d’un finale de concerto : fantasque, tourbillonnant, il met tout particulièrement le pianiste en valeur. Si les autres mouvements pouvaient évoquer des prédécesseurs de Saint-Saëns, celui-ci appelle plutôt la référence à un successeur : il y a quelque chose de rachmaninovien dans sa fougue.
– Angèle Leroy
* Dans les concertos, le terme de cadence désigne un passage virtuose et à l’allure improvisée où le soliste est seul, sans accompagnement orchestral ; il se situe généralement vers la fin des mouvements vifs, avant leur conclusion [n. d. r.].
Berlioz, Symphonie fantastique
Composition : janvier-avril 1830 (révisions ultérieures jusqu’en 1845).
Création : Paris, 5 décembre 1830, salle du Conservatoire, sous la direction de François Habeneck ; joué dans sa version révisée le 9 décembre 1832, au Conservatoire, toujours sous la direction de Habeneck, en même temps qu’est créé Lélio, ou Le Retour à la vie, qui tient lieu de seconde partie à cet «Épisode de la vie d’un artiste», avec Bocage comme récitant.
Dédicace : au tsar Nicolas Ier de Russie, lors de la publication de la version définitive en 1845.
La Symphonie fantastique est intimement liée à la vie de Berlioz : son impulsion créatrice est née d’une passion amoureuse dévorante pour la belle actrice irlandaise Harriet Smithson, héroïne shakespearienne qui brillait sur la scène parisienne de l’Odéon à l’automne 1827. L’enthousiasme, allant jusqu’à un profond ébranlement nerveux, déclenché par la découverte du théâtre de Shakespeare, avait coïncidé pour Berlioz avec l’apparition de son idéal féminin. Harriet, devenue rapidement une célébrité parisienne, repoussa les déclarations épistolaires du jeune compositeur encore inconnu, le plongeant dans les affres du désespoir.
Au début de 1830, ayant surmonté de douloureuses périodes improductives, Berlioz sent mûrir en lui le projet d’une œuvre symphonique de grande envergure où, en parfait représentant de l’esprit romantique, il pourrait inscrire ses souvenirs, ses élans passionnels, ses rêves et ses cauchemars en les sublimant grâce aux sonorités inouïes d’un orchestre symphonique traité d’une manière radicalement neuve.
Avec Shakespeare, l’autre génie tutélaire de la Symphonie fantastique est Beethoven : à partir de 1828, ses symphonies furent régulièrement données aux concerts du Conservatoire, dirigés par Habeneck. La nouveauté, la puissance de cette musique enthousiasma les jeunes artistes romantiques parisiens. Ce fut pour Berlioz la révélation d’une conception formelle hardie, portée à la mesure d’un drame, dont le sens sous-jacent ou explicite confère à la musique une portée expressive plus vaste.
«Oh si je ne souffrais pas tant !... que d’idées musicales fermentent en moi… à présent que j’ai brisé le frein de la routine, je vois se dérouler un champ immense, dans lequel les règles scholastiques me défendaient d’entrer. À présent que j’ai entendu cet effrayant géant Beethoven, je sais à quel point en est l’art musical, il s’agit de le prendre à ce point-là et de le porter plus loin… pas plus loin, c’est impossible, il a atteint les bornes de l’art, mais aussi loin dans une autre route. Il y a du neuf à faire, et beaucoup, je le sens avec une énergie extrême ; et j’en ferai, sois-en sûr, si je vis.» (Lettre du 11-01-1830.)
D’abondantes lectures ont également nourri l’imaginaire berliozien : le Faust de Goethe, les Odes et Ballades de Victor Hugo (dont un poème s’intitule La Ronde de sabbat) ainsi que son roman Le Dernier jour d’un condamné, les Confessions d’un mangeur d’opium de Quincey, et Chateaubriand, à qui il a sans doute emprunté l’idée du «vague des passions».
Quant aux autres influences musicales, elles sont avant tout opératiques : formé dans la vénération du grand style tragique français de Gluck et Spontini, Berlioz avait découvert avec fascination la fougue romantique germanique du Freischütz de Weber, sa liberté rythmique, ses hardiesse d’instrumentation, et son univers poétique nourri de vielles légendes fantastiques.
1830 marque pour le jeune compositeur la fin de ses études académiques, commencées seulement huit ans auparavant, puisqu’il obtiendra en juillet le grand prix de Rome après quatre tentatives infructueuses. En France, à cette période, la symphonie est un genre plus ou moins délaissé (pour faire carrière, la voie royale est l’opéra). En s’y lançant, Berlioz ne prend donc pas le chemin de la facilité. Chronologiquement, c’est la première grande symphonie composée par un compositeur de la «génération romantique», et elle ouvre des voies expressives et techniques nouvelles.
Considérant que sa symphonie est avant tout dramatique, Berlioz a fait paraître dans la presse un «programme», qui permet d’en comprendre les épisodes, innovation qui sera riche de prolongements. Les rapports entre ce texte littéraire et les détails de la composition sont très précis ; l’imagination de l’auditeur doit pouvoir ainsi rejoindre le monde intérieur du compositeur. Cette œuvre totalement nouvelle se nourrit pourtant de nombreuses réminiscences thématiques de musiques composées antérieurement par Berlioz, ce qui ne résulte pas d’un manque d’inspiration, mais sans doute au contraire d’un attachement affectif à des souvenirs musicaux auxquels le compositeur confère une signification hautement personnelle.
Pourtant, écrit Berlioz dans l’avertissement du programme (version définitive de 1855), «on peut même à la rigueur se dispenser de distribuer le programme, en conservant seulement le titre des cinq morceaux, la symphonie (l’auteur l’espère) pouvant offrir en soi un intérêt musical indépendant de toute intention dramatique».
– Isabelle Rouard
(Hector Berlioz)
Un jeune musicien d’une sensibilité maladive et d’une imagination ardente, s’empoisonne avec de l’opium dans un accès de désespoir amoureux. La dose de narcotique, trop faible pour lui donner la mort, le plonge dans un lourd sommeil accompagné des plus étranges visions, pendant lequel ses sensations, ses sentiments, ses souvenirs se traduisent dans son cerveau malade en pensées et en images musicales. La femme aimée elle-même est devenue pour lui une mélodie et comme une idée fixe qu’il retrouve et qu’il entend partout.
Première partie
Rêveries, passions
Il se rappelle d’abord ce malaise de l’âme, ce vague des passions, ces mélancolies, ces joies sans sujet qu’il éprouva avant d’avoir vu celle qu’il aime ; puis l’amour volcanique qu’elle lui inspira subitement, ses délirantes angoisses, ses jalouses fureurs, ses retours de tendresse, ses consolations religieuses.
Deuxième partie
Un bal
Il retrouve l’aimée dans un bal au milieu d’une fête brillante.
Troisième partie
Scène aux champs
Un soir d’été à la campagne, il entend deux pâtres qui dialoguent un Ranz des vaches ; ce duo pastoral, le lieu de la scène, le léger bruissement des arbres doucement agités par le vent, quelques motifs d’espoir qu’il a conçus depuis peu, tout concourt à rendre à son cœur un calme inaccoutumé, à donner à ses idées une couleur plus riante ; mais elle apparaît de nouveau, son cœur se serre, de douloureux pressentiments l’agitent : si elle le trompait… L’un des pâtres reprend sa naïve mélodie, l’autre ne répond plus. Le soleil se couche… bruit éloigné du tonnerre… solitude… silence…
Quatrième partie
Marche au supplice
Il rêve qu’il a tué celle qu’il aimait, qu’il est condamné à mort, conduit au supplice. Le cortège s’avance aux sons d’une marche tantôt sombre et farouche, tantôt brillante et solennelle, dans laquelle un bruit sourd de pas graves succède sans transition aux éclats les plus bruyants. À la fin, l’idée fixe reparaît un instant comme une dernière pensée d’amour interrompue par le coup fatal.
Cinquième partie
Songe d’une nuit du Sabbat
Il se voit au Sabbat, au milieu d’une troupe affreuse d’ombres, de sorciers, de monstres de toute espèce réunis pour ses funérailles. Bruits étranges, gémissements, éclats de rire : cris lointains auxquels d’autres cris semblent répondre. La mélodie-aimée reparaît encore : mais elle a perdu son caractère de noblesse et de timidité ; ce n’est plus qu’un air de danse ignoble, trivial et grotesque : c’est elle qui vient au sabbat… Rugissements de joie à son arrivée… Elle se mêle à l’orgie diabolique… Glas funèbre, parodie burlesque du Dies iræ. Ronde du Sabbat. La ronde du Sabbat et le Dies iræ ensemble.