La Symphonie «Eroica» est évidemment l’une des pièces les plus importantes de la littérature orchestrale, car elle transcende le modèle existant pour inventer le langage symphonique moderne, accomplissant la promesse de Mozart. Beethoven déchira-t-il vraiment son manuscrit en apprenant que Napoléon s’était fait couronner empereur ? Se non è vero, è ben trovato ! Le couplage avec les Lamentations sur les désastres de la guerre, de Karim Al-Zand, confère évidemment à l’ensemble du programme puissance et gravité, car les deux compositeurs interrogent l’Histoire dans ce qu’elle a de plus terrible. Nous aurions encore accentué cette dimension en choisissant, par exemple, un concerto de Chostakovitch. Mais une bonne dramaturgie peut viser soit la grande arche, soit les contrastes. La légèreté, le brillant du Deuxième Concerto pour violon de Prokofiev, écrit alors que le compositeur se réinstallait en URSS, ne peuvent faire oublier les désillusions cruelles qu’il connaîtra, lui aussi, quand le piège se refermera, l’emportant avec sa famille dans les grandes tragédies de ce temps.
Nikolaj Szeps-Znaider
Directeur musical
Beethoven, Eroica
Nikolaj Szeps-Znaider / Sergueï Krylov
Symphonique | ONL