Mes identités mêlées me rendent naturellement très sensible au rapport ambivalent que les artistes peuvent entretenir avec l’idéal abstrait d’un Nouveau Monde d’une part, et la réalité américaine de l’autre. Ce qui rend, à mon sens, ce programme passionnant tient dans les trois éclairages qu’il apporte, aussi contrastés que complémentaires. On adopte le point de vue du voyageur avec Dvořák, dans une œuvre si souvent entendue que je pensais, à tort, qu’elle m’intéresserait moins, avant de commencer à la diriger et d’en tomber amoureux. Son paradoxe tient évidemment à ce que ses thèmes mondialement connus passent pour une description des grands horizons américains, alors qu’ils chantent la nostalgie du pays natal ! Mais Dvořák retrouvera sa Bohême, tandis que Korngold est un exilé qui a fui la mort. Quand il tentera un retour à Vienne après-guerre, il ne pourra que constater que le monde qu’il aimait n’existe plus. George Walker, fils d’émigré jamaïcain et premier artiste afro-américain à remporter le prix Pulitzer de composition, illustre enfin le combat de celui qui trouve dans un pays neuf des chances exceptionnelles, mais doit aussi lutter chaque jour pour faire entendre sa voix.
Nikolaj Szeps-Znaider
Directeur musical
Nouveau Monde
Dvořák
Symphonique | ONL