Concerto pour violon de Beethoven
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Programme détaillé
Concerto pour violon en ré majeur, op. 61
I. Allegro, ma non troppo
II. Larghetto
III. Rondo : Allegro
Cadences d'Alfred Schnittke
[40 min]
--- Entracte ---
Symphonie n° 5, en si bémol majeur, op. 100
I. Andante
II. Allegro marcato
III. Adagio
IV. Allegro giocoso
[45 min]
Distribution
Concertgebouworkest
Paavo Järvi direction
Lisa Batiashvili violon
Beethoven, Concerto pour violon
Composition : 1806.
Création : Vienne, Theater an der Wien, 23 décembre 1806, par Franz Clement.
Contemporain de la Quatrième Symphonie et des Trois Quatuors op. 59, «Razoumovski», l’unique concerto pour violon de Beethoven fut composé en 1806 à l’intention du virtuose Franz Clement, Konzertmeister du Theater an der Wien de Vienne, dont Beethoven avait fait la connaissance en 1794. Doté d’un jeu alliant puissance et tendresse, Clement passait pour l’un des meilleurs violonistes de son temps ; il faisait l’objet d’éloges répétés dans la presse et de succès bruyants auprès du public. Il jouissait par ailleurs d’une mémoire musicale prodigieuse, et de nombreuses anecdotes racontent comment il jouait de mémoire Fidelio ou La Création de Haydn, au grand étonnement de son entourage. C’est lui qui, en 1805, avait dirigé la création de la Sinfonia eroica, et Beethoven lui faisait pleinement confiance.
Lors de la création du concerto le 23 décembre 1806, Clement se tailla un franc succès ; mais, semble-t-il, il dut ce résultat surtout à ses prouesses personnelles (une sonate de son cru pour violon tenu à l’envers, qu’il aurait intercalée entre les deux premiers mouvements). Car le concerto lui-même laissa les premiers auditeurs plutôt déconcertés. Johann Nepomuk Möser, critique respecté de la Zeitung für Theater, Musik und Poesie [Journal du théâtre, de la musique et de la poésie], écrivit que «les connaisseurs sont unanimes à reconnaître que, s’il y a de beaux moments dans le concerto, l’enchaînement des événements semble souvent incohérent, et la répétition à l’infini de certaines banalités se révèle aisément lassante». On jugea que le soliste était bien en retrait, et que l’importance laissée à l’orchestre était démesurée. Celui-ci, en effet, ne se contente pas de flatter ou de mettre en valeur le soliste. Les deux partenaires conversent plus qu’ils ne s’opposent, l’un étant le prolongement de l’autre : le soliste semble émaner de l’orchestre, être son émissaire envoyé conquérir des sphères de lumière auxquelles la masse orchestrale ne peut prétendre.
«La répétition à l’infini de certaines banalités se révèle aisément lassante.»
Dans les années qui suivirent la création, les exécutions se comptèrent sur les doigts d’une main. En 1844, le jeune prodige hongrois József Joachim le présenta à Londres sous la direction de Felix Mendelssohn ; avec de tels ambassadeurs, l’œuvre trouva enfin le succès.
Contrairement au Triple Concerto pour piano, violon, violoncelle et orchestre (1803), le Concerto pour violon se rapproche, au moins dans ses deux premiers mouvements, des savants échafaudages élaborés par Beethoven dans ses symphonies, ses sonates pour piano ou ses quatuors à partir de ces années-là. Dans l’Allegro, ma non troppo initial, le motif générateur est infime : un groupe de cinq noires à la timbale que s’échangent bientôt violons et violoncelles et dont les battements hanteront tout le mouvement. Rarement une musique avait débuté d’une manière aussi singulière. Le soliste tarde à entrer en scène : c’est l’orchestre qui brosse le tableau dans une introduction où ces coups de timbales, ainsi que l’instabilité harmonique et thématique, créent un fort sentiment d’attente.
Après de longues mesures de formules diverses (certainement les «banalités» relevées par Möser), le thème principal s’élève enfin aux bois. Mais les battements s’invitent à la fête : ils sont égrenés par les violons et résonnent sourdement à la timbale, secondée par des accords de cuivres. Le violon, si longtemps attendu, surgit enfin. Il grimpe en octaves radieuses jusqu’à l’aigu de sa tessiture et, avant de prendre le thème à son compte, fait une démonstration d’agilité qui laisse l’orchestre coi. Après cette longue introduction orchestrale, son lyrisme simple et touchant, sa virtuosité réelle mais jamais gratuite sonnent comme une bénédiction. Le mouvement se poursuit dans cette alternance entre un orchestre dense, tendu, et un violon aérien.
Après ce morceau turbulent, le Larghetto en sol majeur évolue aux portes du rêve, dans une atmosphère de tendresse teintée de nostalgie. C’est une forme à variations inavouée, dont le thème est présenté à mi-voix par les cordes de l’orchestre avec sourdines. Dans les deux premières variations, les vents les plus chargés de mystère (cors et clarinettes, puis bassons) dialoguent doucement avec un violon qui s’étourdit en gracieuses figures ornementales. La variation 3 est confiée au tutti orchestral. Puis Beethoven ouvre une longue parenthèse : le violon solo vagabonde dans des volutes impalpables, puis énonce un nouveau thème d’un lyrisme exquis. Dans la variation 4, les cordes de l’orchestre énoncent le squelette du thème en pizzicatos, sous les commentaires loquaces du soliste. Puis le thème se réduit à son rythme initial, joué par les cors, tandis que le violon divague sur le thème de la parenthèse centrale.
Une modulation brutale, ponctuée d’une brève cadence du violon, éveille de cette douce rêverie et conduit au Rondo final. Plus classique dans son alternance entre soli et tutti, ce morceau au rythme ternaire et à l’entrain persuasif exalte le brio du soliste.
– Claire Delamarche
Prokofiev, Symphonie n° 5
Composition : 1944.
Création : Moscou, grande salle du Conservatoire, 13 janvier 1945, sous la direction du compositeur.
Le 12 janvier 1945, alors que les forces allemandes sont déjà très affaiblies et que l’issue de la guerre s’annonce victorieuse pour les Alliés, l’Armée rouge lance une offensive importante sur le front de l’Est. La bataille dure jusqu’au début du mois de février, mais les premières bonnes nouvelles arrivent aussitôt : la première audition de la Cinquième Symphonie de Prokofiev, le 13 janvier, se déroule donc dans un climat de liesse tout particulier, et le triomphe qu’elle connaît n’en est que plus chaleureux.
Le souffle épique et l’énergie galvanisante de la Cinquième Symphonie s’accordent parfaitement avec l’exaltation et l’optimisme des jours qui l’ont vu éclore. Cependant, il ne s’agit pas d’une œuvre patriotique : Prokofiev écrit l’avoir «conçue comme une partition destinée à exalter la grandeur de l’esprit humain», chantant «l’homme libre et heureux, sa force, sa générosité et la pureté de son âme». Le savoir-faire du compositeur, alors quinquagénaire, allié à une telle noblesse d’inspiration, font de cette symphonie un véritable chef-d’œuvre. Le musicien lui-même ne cache pas sa satisfaction : «Cette symphonie est non seulement importante sur le plan musical, mais elle marqua également mon retour à une forme que je n’avais pas pratiquée depuis seize ans. Elle s’impose comme l’aboutissement d’une vie de création.»
«L’aboutissement d’une vie de création»
La rapidité de composition montre un Prokofiev particulièrement inspiré. Il commence l’écriture pendant l’été 1944, au cours d’un séjour à Ivanovo. La Maison de l’union des compositeurs y accueille aussi Chostakovitch, Khatchatourian ou Kabalevski. Le 26 août, Prokofiev donne une première audition de la Cinquième Symphonie au piano, pour en entamer l’orchestration en automne. Comme souvent chez Prokofiev, les timbres sont variés et colorés : bois multiples (piccolo, cor anglais, clarinette basse et contrebasson), harpe, piano, large éventail de percussions avec notamment un tam-tam et un wood-block.
La symphonie commence majestueusement, avec un Andante grandiose au thème solennel, au sein duquel les cuivres tiennent un rôle primordial. Une partie du deuxième mouvement était à l’origine destinée au ballet Roméo et Juliette, dont quelques scènes se caractérisent par la même fièvre. Les bois, en particulier la clarinette, et les cordes mènent la danse dans cet Allegro marcato tantôt malicieux, tantôt inquiet. Les cordes chantent une grande élégie dans le grave et douloureux mouvement lent (Adagio). L’orchestre pétille à nouveau dans le bien nommé Allegro giocoso [Allegro espiègle], dont la vivacité joyeuse dut particulièrement emporter le public lors de la première audition.
Prokofiev en personne dirige l’œuvre lors de sa création. C’est la dernière fois qu’il tient la baguette, car il est victime peu après d’une mauvaise chute, dont il ne se remettra jamais totalement. Cet accident anticipe de peu une autre chute, non moins terrible : le régime stalinien ne tarde pas à condamner Prokofiev et son œuvre trop «formaliste». Aussi la brillante Cinquième Symphonie marque-t-elle l’un de ses derniers éclats, à tous points de vue.
– Mathilde Serraille
La Cinquième Symphonie illustre deux pôles à la fois opposés et complémentaires dans la musique de Prokofiev : d’un côté, une énergie pulsée basculant souvent vers la brutalité, teintée d’une sombre ironie (l’Allegro marcato et l’Allegro giocoso) ; de l’autre, un grand sens du lyrisme donnant naissance à des pages intenses, tendres ou dramatiques (l’Adagio). On constate une dichotomie similaire dans ses sources d’inspiration : la Deuxième Symphonie, «de fer et d’acier», et le ballet Le Pas d’acier, associés au machinisme ou au constructivisme, cohabitent dans son œuvre avec des pièces liées à l’enfance comme Pierre et le Loup et Cendrillon.
Lors du centenaire de la naissance de Prokofiev, en 1991, un discours officiel loua justement «sa rythmique nouvelle et énergique» et «son merveilleux lyrisme qui exprime avec une grande finesse un profond humanisme intérieur». Ces mots furent prononcés par Tikhon Khrennikov, alors toujours secrétaire général de l’Union des compositeurs soviétiques depuis sa nomination par Andreï Jdanov en 1948. Prokofiev, ayant subi les affres du régime pour ses œuvres jugées «dégénérées», aurait sûrement goûté l’ironie de la chose.
– M. S.
Le podcast de L’AO
L’Orchestre du Concertgebouw
Artiste associé
Klaus Mäkelä
Chef émérite
Riccardo Chailly
Chef invité émérite
Iván Fischer
Premiers violons
*Vesko Eschkenazy, premier violon super-soliste
* Liviu Prunaru, premier violon super-soliste
Tjeerd Top
Marijn Mijnders
Ursula Schoch
Keikoi Iwata-Takahashi
Tomoko Kurita
Henriette Luytjes
Borika van den Booren-Bayon
Marc Daniel van Biemen
Christian van Eggelen
Mirte de Kok
Junko Naito
Benjamin Peled
Nienke van Rijn
Jelena Ristic
Valentina Svyatlovskaya
Michael Waterman
Seconds violons
Caroline Strumphler
Susanne Niesporek
Jae-Won Lee
Anna de Veij Mestdagh
Arndt Auhagen
Elise Besemer
Leonie Bot
Alessandro Di Giacomo
Coraline Groen
Caspar Horsch
Sanne Hunfeld
Mirelys Morgan Verdecia
Sjaan Oomen
Jane Piper
Eke van Spiegel
Joanna Westers
Altos
*Santa Vizine
Michael Gieler
Saeko Oguma
Frederik Boits
Roland Krämer
Guus Jeukendrup
Jeroen Quint
Eva Smit
Martina Forni
Yoko Kanamaru
Vilém Kijonka
Edith van Moergastel
Jeroen Woudstra
Violoncelles
*Gregor Horsch
*Tatjana Vassiljeva-Monnier
Johan van lersel
Benedikt Enzler
Chris van Balen
Joris van den Berg
Jérôme Fruchart
Christian Hacker
Maartje-Maria den Herder
Boris Nedialkov
Clément Peigné
Honorine Schaeffer
Contrebasses
*Dominic Seldis
Pierre-Emmanuel de Maistre
Théotime Voisin
Mariëtta Feltkamp
Rob Dirksen
Léo Genet
Felix Lashmar
Georgina Poad
Nicholas Schwartz
Olivier Thiery
Flûte
*Emily Beynon
*Kersten McCall
Julie Moulin
Mariya Semotyuk-Schlaffke
Piccolo
Vincent Cortvrint
Hautbois
*Alexei Ogrintchouk
*Ivan Podyomov
Nicoline Alt
Alexander Krimer
Cor anglais
Miriam Pastor Burgos
Clarinettes
*Calogero Palermo
*Olivier Patey
Hein Wiedijk
Petite clarinette
Arno Piters
Clarinette basse
Davide Lattuada
Bassons
*Andrea Cellacchi
*Gustavo Núñez
Helma van den Brink
Contrebasson
Simon Van Holen
Cors
*Katy Woolley
*Laurens Woudenberg
José Luis Sogorb Jover
Fons Verspaandonk
Jaap van der Vliet
Paulien Weierink-Goossen
Trompettes
*Miroslav Petkov
*Omar Tomasoni
Hans Alting
Jacco Groenendijk
Bert Langenkamp
Trombones
*Bart Claessens
*Jörgen van Rijen
Nico Schippers
Trombone ténor et basse
Martin Schippers
Trombone basse
Raymond Munnecom
Tuba
*Perry Hoogendijk
Timbales
*Tomohiro Ando
Percussion
Mark Braafhart
Bence Major
Herman Rieken
Harpe
*Petra van der Heide
Anneleen Schuitemaker
Piano
Jeroen Bal
*Soliste