◁ Retour au concert du mercredi 26 avril 2023
Programme détaillé
Symphonie nº 7a, en sol majeur, «Alte Lambacher», KV Anh. 221/45a
I. Allegro maestoso
II. Andante
III. Molto allegro
[15 min]
I. Allegro aperto
II. Adagio
III. Rondeau : Tempo di minuetto
[30 min]
--- Entracte ---
I. Molto allegro
II. Andante
III. Presto
[12 min]
I. Allegro spiritoso
II. Andantino grazioso
III. Tempo di minuetto
[27 min]
Interprètes
Camerata Salzburg
Gregory Ahss violon et direction
Janine Jansen violon
Symphonies n° 1 et n° 7A
Symphonie nº 1, en mi bémol majeur, KV 16
Composition : 1764 à Londres.
Création : probablement le 21 février 1765 à Londres.
Symphonie nº 7a, en sol majeur, «Alte Lambacher», KV Anh. 221/45a
Composition : 1766 à La Haye, œuvre révisée probablement en 1767, durant l’un des nombreux voyages de la famille Mozart.
Titre : ainsi appelée car une copie manuscrite de la symphonie (non autographe) a été découverte dans les archives de l'abbaye de Lambach au début du XXe siècle, sans doute offerte par la famille Mozart en remerciement de l’hospitalité reçue lors d’un voyage entre Salzbourg et Vienne en janvier 1769. Le manuscrit était associé à la symphonie en sol dite «Neue Lambacher», attribuée à Leopold Mozart.
Après une courte et intense période d’apprentissage auprès de son père Leopold, le très jeune Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) s’élança en 1763 sur les routes d’Europe avec ses parents et sa sœur afin de se produire dans toutes les cours importantes du continent.
Ce long voyage – il dura trois ans, ponctué de retours à Salzbourg, avant un nouveau départ vers l’Italie en compagnie de son père seul – fut assurément l’élément le plus important dans la formation du jeune musicien puisqu’il lui offrit l’occasion de rencontrer de nombreux compositeurs et d’écouter les plus fameux artistes de la seconde moitié du XVIIIe siècle, mais aussi de découvrir toute sorte d’œuvres qu’il n’aurait jamais connues sans quitter l’Autriche, et de se familiariser ainsi avec les différents genres musicaux et styles nationaux pratiqués par ses contemporains.
Ainsi s’élabora progressivement son langage singulier, né du mélange de styles et techniques compositionnelles côtoyés durant ces années de formation, et transcendé ensuite par un sens aigu du drame et un rare génie mélodique.
Cependant, bien avant ses années de maturité, Mozart manifestait déjà une maîtrise inédite, pour un enfant de son âge, du premier style musical que lui enseigna son père, le style galant.
Élégance et simplicité des lignes mélodiques, limpidité de l’harmonie, clarté des formes, joliesse des ornements : ce style constitua le premier terrain d’exploration du compositeur dès ses années d’apprentissage, en particulier dans le domaine symphonique, comme en témoignent la Symphonie nº 7a et la Symphonie n° 1, toutes deux composées au cours des années de voyage de la famille Mozart. On considère généralement que le musicien a composé 41 symphonies, mais leur nombre est en fait plus important si l’on prend en compte les symphonies de jeunesse dont font partie ces deux œuvres, encore très proches du modèle italien originel.
Héritée de la sinfonia italienne, qui servait d’ouverture à une œuvre dramatique de plus vastes proportions, la symphonie prend son essor au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle pour devenir le premier genre orchestral de la période classique. D’abord œuvre de divertissement sans grande ambition compositionnelle, placée généralement en début et fin de concert, elle en devient progressivement le centre de gravité.
Véritable laboratoire d’invention du langage classique, la symphonie s’élabore en particulier à Vienne (sous l’égide de Georg Christoph Wagenseil, Karl Ditters von Dittersdorff, Michael et surtout, Joseph Haydn) et Mannheim (avec Johann Stamitz), consubstantielle du développement de la principale forme de la période classique, la forme sonate.
Structurée par deux tonalités généralement à distance de quinte (tonique et dominante), la forme sonate propose deux mondes sonores dans une première partie, l’exposition, avant de les confronter dans une partie centrale, le développement, puis de les réconcilier dans une dernière partie, la réexposition, qui résout les tensions créées. Éminemment théâtrale, la forme sonate correspond à merveille à l’esprit de la seconde moitié du XVIIIe siècle, et satisfait particulièrement le goût de Mozart pour la dramaturgie, au point qu’il l’utilise dans tous les genres non seulement instrumentaux – sonates, symphonies, concertos – mais aussi dramatiques (opéras) et même religieux (messes).
Les deux symphonies de jeunesse de Mozart présentées dans ce programme sont le reflet de cette évolution du genre : proches de la sinfonia d’origine, elles en conservent l’énergie, la légèreté de ton et le modèle en trois mouvements (vif, lent, vif) mais sont déjà structurées par de courtes formes sonates d’une grande efficacité formelle.
Composée à Londres en 1764, la Symphonie n° 1 – la première imaginée par Wolfgang sans l’aide de son père – s’inspire largement des œuvres de Jean-Chrétien Bach (1735-1782), auprès duquel le jeune garçon prit des leçons de composition lors de son séjour londonien. Mozart cultive en effet dans l’œuvre une opposition dialectique des thèmes et de brusques contrastes de nuances caractéristiques du travail de Jean-Chrétien Bach. La grande vivacité rythmique et dynamique des premier et dernier mouvements – trémolos martelés, fusées en triples-croches, rythmes pointés forte contrastant avec les longues notes tenues piano des vents dans le premier mouvement, arpèges rapides de cors aux accents populaires dans le dernier mouvement – évoque aussi le goût de Mozart pour l’opera buffa, qu’il alla étudier en Italie quelques années après son séjour londonien. À l’inverse, le mouvement central, relativement long pour une œuvre aussi courte, évoque déjà, par ses couleurs mineures et ses dissonances savamment ordonnées, les prémisses des grandes œuvres tragiques de la maturité par-delà son caractère galant.
Les circonstances de composition et création de la Symphonie nº 7a sont encore assez mal connues. Attribuée longtemps à son père, l’œuvre semble en fait avoir été composée par Mozart lors d’un séjour à La Haye au début de l’année 1766, puis révisée l’année suivante.
Comme la Symphonie n° 1, elle est conçue pour une formation restreinte, deux hautbois, deux cors et cordes, auxquels s’ajoutait sans doute un clavecin doublant les basses et réalisant l’harmonie à la manière d’un continuo baroque.
Après un premier mouvement de forme sonate vif et enjoué, marqué de soudains contrastes dramatiques évoquant la période Sturm und Drang à venir, le deuxième mouvement constitue un parfait exemple de style galant : longues lignes chantantes des violons avec sourdine se déployant sur des harmonies extrêmement simples, nombreuses appogiatures legato, contrechants des cors ponctuant le discours musical de petites révérences doublées à la tierce, etc. À l’image du dernier mouvement de la Symphonie nº 1, le dernier mouvement de l’œuvre s’inspire d’une danse à trois temps aux accents populaires, à la manière de Haydn.
Courte période de l’histoire de la musique, située autour de l’année 1770, qui constitue une sorte de petite bulle préromantique en pleine période classique. Elle est marquée par l’emploi de nombreuses tonalités mineures et couleurs diminuées, un goût prononcé pour les contrastes, notamment de nuances, l’utilisation de rythmes pointés et chaotiques, l’usage de thèmes brefs, souvent constitués d’arpèges, et de grands intervalles écartelant les lignes mélodiques – autant d’éléments générant une atmosphère violente et tourmentée.
– Coline Miallier
Concertone
Concertone pour deux violons et orchestre en do majeur, KV 186E (190)
Composition : Salzbourg, 31 mai 1774
Création : probablement à Salzbourg, par le compositeur lui-même au violon, avec l’orchestre de la cour.
À l’issue de ses dix années de voyage, Mozart dû pourtant se résoudre à retourner à Salzbourg pour entrer, en 1773, au service du prince-archevêque Colloredo. À 17 ans, il n’était plus en effet l’enfant prodige admiré dans toutes les cours d’Europe, et devait donc se plier aux contraintes imposées par son nouvel emploi de Konzertmeister, parmi lesquelles l’obligation non seulement de composer, mais aussi d’exécuter lui-même sa musique. Le cinq concertos pour violon et le Concertone pour deux violons et orchestre ont donc vraisemblablement été interprétés par le compositeur lui-même dans le cadre de ses fonctions – fils d’un grand virtuose et pédagogue du violon, Mozart maîtrisait lui aussi parfaitement l’instrument.
Dans un caractère semblable, le Concertone [Grand Concerto] s’inscrit dans la lignée des divertimentos et sérénades, pièces mondaines de style galant et de caractère léger.
Néanmoins, l’œuvre se révèle remarquable par son instrumentation : deux violons solistes, mais aussi hautbois et même violoncelle solo dans les deux derniers mouvements – c’est la première fois que le compositeur distingue ainsi l’instrument. Cette formation originale, qui évoque le concertino du concerto grosso baroque, permet au compositeur d’imaginer des textures délicates particulièrement propices aux lignes cantabile inhérentes au style galant, et initie ainsi l’exploration d’un genre alors très en vogue à Paris et déjà utilisé par ses amis Joseph Haydn et Jean-Chrétien Bach mais encore nouveau pour Mozart, la symphonie concertante.
– C. M.
Concerto pour violon n° 5
Concerto pour violon n° 5, en la majeur, KV 219
Composition : achevé le 20 décembre 1775.
Création : sans doute par Mozart à une date inconnue, devant la cour du prince-archevêque Colloredo à Salzbourg.
D’avril à décembre 1775 naquirent les cinq concertos pour violon. Ils appartiennent au style galant, peut-être pour complaire à l’employeur de Mozart, le prince-archevêque Colloredo. La mélodie y prévaut, toujours gracieuse et clairement structurée. Toute à cette inventivité mélodique, l’inspiration se détourne des savantes élaborations : les idées existent dans l’instant présent, et non par leurs éventuelles possibilités de métamorphose ou de développement. Ce revirement fut parfois ressenti par les exégètes comme une capitulation devant un style jugé «facile». Encore faut-il évaluer l’inventivité déconcertante et l’admirable plasticité des œuvres de cette période, en particulier des trois derniers concertos pour violon. On comprend alors que Mozart ne renonça en rien à ses aspirations les plus élevées, et que cette parenthèse stylistique est à considérer non comme un repli, mais comme une dernière expérience de jeunesse, un ultime apprentissage de l’élégance, avant l’éclosion de 1776.
Mozart joua probablement lui-même ces concertos à la cour de Salzbourg ; cela explique l’absence de cadences écrites (passages virtuoses dévolus au soliste sans accompagnement d'orchestre) et le fait qu’hors des solos, le violon se fonde à la masse orchestrale qu’il doit guider et dont il n’est encore qu’une émanation. Les finales ne finissent donc pas en fanfare dans une débauche de virtuosité, mais s’achèvent au contraire sur la pointe des pieds.
Le 20 décembre, le Concerto n° 5 parachève cette série. Les possibilités de l’instrument y sont exploitées plus profondément, l’orchestre y est plus dense que dans les précédents, même si l’effectif orchestral reste identique : deux hautbois, deux cors et cordes. La forme s’y montre plus élaborée, avec des surprises, des asymétries, quelques moments de contrepoint et une extrême habileté dans les transitions, le glissement d’une tonalité à l’autre, d’un thème au suivant (de nombreux motifs du premier mouvement sont ainsi apparentés, tous issus de l’arpège de la majeur). L’entrée du soliste se fait très originalement par sept mesures adagio, seule rupture de tempo dans l’Allegro aperto initial. L’Adagio central offre un long havre de douceur, avant le menuet en rondeau final, qui déborde d’idées. L’une des plus étonnantes est une longue turquerie en la mineur, sorte de rondeau dans le rondeau, où violoncelles et contrebasses frappent les cordes du dos de l’archet, dans un joyeux tintamarre.
(Ou rondo dans la graphie italienne)
Forme musicale faisant alterner un thème musical «refrain» avec des thèmes «couplets», qui apparaît souvent comme finale de sonates, de concertos ou de symphonies.
– Claire Delamarche