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Notes de programme

Amor Furor

Mar. 13 fév. 2024

Retour au concert du mar. 13 fév. 2024

programme détaillé

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Les Noces de Figaro

– Ouverture
– «Voi che sapete» (air de Cherubino)

Christoph Willibald Gluck (1714-1787)
Orphée et Eurydice

– «Danse des esprits bienheureux» (version de Paris, 1774)
– «Qu’entends-je ? … Amour vient rendre à mon âme» (air d’Orphée – version pour mezzo-soprano d’Hector Berlioz, 1859)
– «J’ai perdu mon Eurydice» (air d’Orphée – version pour mezzo-soprano d’Hector Berlioz, 1859)
– «Danse des furies» (version de Paris, 1774)

Alceste

– «Divinités du Styx» (air d’Alceste)

--- Entracte ---

Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847)
Le Songe d’une nuit d’été 

– Ouverture

Camille Saint-Saëns (1835-1921)
Samson et Dalila

– «Mon cœur s’ouvre à ta voix» (air de Dalila)

Jules Massenet (1842-1912)
Thaïs

– «Méditation»

Georges Bizet (1838-1875)
Carmen

– «Près des remparts de Séville» (air de Carmen)

Hector Berlioz (1803-1869)
Roméo et Juliette

– «Scène d’amour» 

Gaetano Donizetti (1797-1848)
La Favorite

– «L’ai-je bien entendu ?... Oh mon Fernand» (air de Léonore)

Distribution

Le Cercle de l’harmonie
Jérémie Rhorer 
direction
Marina Viotti mezzo-soprano

Introduction

Qu’il s’agisse de l’expression des premiers émois (Cherubino des Noces de Figaro, 1786) ou du chant capiteux de séductrices comme Carmen (Carmen, 1875) et Dalila (Samson et Dalila, 1876), l’amour occupe sur la scène lyrique une place centrale. Artiste lyrique de l’année aux Victoires de la musique classique 2023, Marina Viotti nous brosse un panorama de ce sentiment si protéiforme, accompagnée sur instruments d’époque par le Cercle de l’harmonie et Jérémie Rhorer. Marchant sur les pas de son illustre aînée Pauline Viardot, créatrice de plusieurs de ces rôles, la mezzo suisse s’adresse aux divinités infernales dans le costume d’Orphée (Orphée et Eurydice, 1774) ou celui d’Alceste (Alceste, 1776) et essuie en retour la «Danse des furies»... Chez Gluck comme chez Mozart ou Bizet, aimer n’est jamais de tout repos ! Ce n’est pas La Favorite (1840), histoire d’un moine novice amoureux de la favorite du roi d’Espagne, ni Thaïs (1894) où une femme aux mœurs légères vient pareillement ébranler la foi d’un ermite, qui viendront nous contredire. Ni les deux partitions inspirées par William Shakespeare : l’ouverture de Mendelssohn (1826) pour Le Songe d’une nuit d’été, imbroglio féerique d’affaires de cœur ; et, dans une veine plus tragique, la symphonie dramatique de Berlioz Roméo et Juliette (1869).

Les extraits en chiffres

WOLFGANG AMADEUS MOZART
LES NOCES DE FIGARO

Le nozze di Figaro, opera buffa en quatre actes, livret italien de Lorenzo da Ponte, d’après la comédie de Beaumarchais Le Mariage de Figaro.
Création : 1er mai 1786 au Burgtheater de Vienne.

CHRISTOPH WILLIBALD GLUCK
ORPHÉE ET EURYDICE

– Orfeo ed Euridice, azione teatrale per musica en trois actes, livret italien de Ranieri de’Calzabigi, créé le 5 octobre 1762 au Burgtheater de Vienne.
– Orphée et Eurydice, tragédie-opéra en trois actes : version remaniée sur un livret français de Pierre-Louis Moline, créée le 2 août 1774, au Théâtre du Palais-Royal à Paris. Dédicace «à la Reine».
– Version remaniée par Hector Berlioz, en quatre actes : créée le 19 novembre 1859 au Théâtre-Lyrique, à Paris, dédiée à Pauline Viardot-Garcia.

ALCESTE
– Alceste, tragedia in musica en trois actes :  livret italien Ranieri de’Calzabigi, créé le 26 décembre 1767 au Burgtheater de Vienne.
– Alceste, tragédie-opéra en trois actes : version remaniée sur un livret français de François-Louis Le Bland du Roullet, créée le 23 avril 1776, au théâtre du Palais-Royal à Paris. 

FELIX MENDELSSOHN BARTHOLDY (1809-1847)
LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ 

D’après la comédie de William Shakespeare A Midsummer Night’s Dream.
Composition : 7 juillet-6 août 1826.
Création : Stettin, 20 février 1827, sous la direction de Carl Loewe.

CAMILLE SAINT-SAËNS
SAMSON ET DALILA

Grand opéra en trois actes sur un livret de Ferdinand Lemaire.
Composition : 1868-1872, 1874-76.
Création : Théâtre de la Cour grand-ducale de Weimar, 2 décembre 1877, sous la direction d’Eduard Lassen et sous l’impulsion de Franz Liszt. 

JULES MASSENET
THAÏS

Opéra en trois actes sur un livret de Louis Gallet, d’après le roman d’Anatole France. 
Création : Opéra de Paris, le 16 mars 1894. 

GEORGES BIZET
CARMEN

Opéra-comique en quatre actes , livret d’Henri Meilhac et Ludovic Halévy, d’après la nouvelle de Prosper Mérimée.
Création : Paris, Opéra-Comique, 3 mars 1875, sous la direction d’Adolphe Deloffre.

HECTOR BERLIOZ
ROMÉO ET JULIETTE

Symphonie dramatique avec chœurs, solos de chant et prologue en récitatif choral, d’après la tragédie de Shakespeare, livret de Berlioz et d’Émile Deschamps. 
Composition : 1839.
Dédicace : à Nicolò Paganini.
Création : Paris, salle du Conservatoire, 24 novembre 1839, sous la direction du compositeur.

GAETANO DONIZETTI
LA FAVORITE

Grand opéra en quatre actes sur un livret en français d’Alphonse Royer et Gustave Vaëz, d’après Les Amours malheureuses, ou Le Comte de Comminges de Baculard d’Arnaud (1790).
Création : Paris, Opéra, 2 décembre 1840.

Amor furor

L’amour, toujours l’amour… C’est le thème central de nombreux opéras, qu’il s’agisse de comédies pétillantes ou de tragédies où les passions sont exacerbées par les déploiements d’un lyrisme incandescent. 

Ce concert est introduit par la brillante ouverture des Noces de Figaro de Mozart, menée tambour battant. Dans cet opéra qui s’inspire de la comédie de Beaumarchais Le Mariage de Figaro, joyeux tourbillon d’intrigues aux nombreux rebondissements, les situations amoureuses sont diverses : autour du couple de fiancés Figaro et Suzanne, gravitent les personnages du Comte Almaviva (séducteur qui entend bien conquérir les faveurs de Suzanne), de la Comtesse (qui, délaissée par le Comte, exprime sa mélancolie) ou encore du jeune page Chérubin (qui découvre les émois amoureux, attiré par toutes les femmes sans pouvoir déjà s’attacher à aucune). Celui-ci n’est alors qu’un adolescent à peine sorti de l’enfance, comme le suggère sa tessiture de mezzo-soprano. Sa nature encore indéterminée, androgyne, en fait une présence troublante et charmante, exaltée et mélancolique, dont Mozart a su exprimer toute l’ambigüité. Dans la célèbre arietta «Voi che sapete», Chérubin révèle son étonnement à ressentir des désirs qu’il ne comprend pas : ce sont «tantôt un délice, tantôt un martyre»… Mais qu’il lui plaît de souffrir ainsi ! 

Avec Gluck, nous abordons la grandeur sublime des passions tragiques, où l’amour est littéralement, plus fort que la mort : Orphée comme Alceste pousseront l’héroïsme jusqu’à braver les portes des enfers pour aller y rechercher l’être aimé. 
Dans Orphée et Eurydice, le «Ballet des Ombres heureuses» exprime la quiétude et la félicité paradisiaques des champs Élysées, lieu idyllique qui n’est cependant pas dénué d’une poignante mélancolie, comme le révèle la flûte solo, d’une expression déjà préromantique. De même, un caractère puissamment orageux, Sturm und Drang [du nom de ce mouvement préromantique, littéralement Orage et passion, n. d. r.], singularise la terrible «Danse des Furies» qui accompagne l’entrée d’Orphée aux Enfers. 
Le premier air d’Orphée se situe au premier acte, lorsqu’Amour vient au secours de l’inconsolable mari pour lui apprendre que les dieux, émus de son sort, lui permettent de descendre chercher Eurydice aux Enfers. Cet air, dont la virtuosité héroïque est typique du grand style de l’opera seria, figurait dans la première version italienne de l’ouvrage, donnée à Vienne en 1762, où Orfeo était interprété par un castrat. Berlioz a souhaité le réintégrer à la version qu’il a arrangée en 1859 spécialement pour la mezzo-soprano Pauline Viardot, pour mettre en valeurs ses qualités vocales hors du commun. Dans le second air, célébrissime, Orphée chante son désespoir d’avoir perdu définitivement sa bien-aimée, après avoir enfreint le commandement divin. Mais cette fois-ci ses effusions sont empreintes d’une noble simplicité, plus touchante encore. Ému par une telle détresse, Amour montrera sa puissance en rendant finalement Eurydice vivante à son fidèle époux.

Alceste fut un autre grand rôle de Pauline Viardot, avant de devenir l’une des incarnations emblématiques de Maria Callas. C’est fois-ci, c’est la reine Alceste, fidèle épouse du roi Admète, qui décide de se sacrifier pour ramener son mari à la vie, en prenant sa place aux Enfers, ainsi que l’a décrété Apollon. Elle implore avec énergie, courage et grandeur d’âme les «divinités du Styx» de la laisser accomplir ce destin fatal. On remarquera les accents terribles de l’orchestre, où dominent les funèbres trombones, soulignant la large et noble déclamation vocale gluckiste. Un heureux dénouement viendra finalement récompenser l’héroïsme d’Alceste.

Pauline Viardot en Alceste

Pauline Viardot en Alceste.
Source : Bru Zane Mediabase.
Publiée dans 
Musica, avril 1909, p. 53
© Bibliothèque du Conservatoire de Genève


À l’époque romantique, l’amour reste bien sûr un thème central : il est un sentiment absolu et idéal qui l’emporte sur la raison, et entraine les amoureux au-delà du réel, dans une exaltation qui va parfois jusqu’à la folie.
Avec son ouverture pour Le Songe d’une nuit d’été, Mendelssohn nous introduit dans un monde nocturne et enchanté, plein d’une joyeuse fantaisie, où les amants se poursuivent, se perdent et se trouvent, au gré d’une action riche en rebondissements. Robert Schumann, admiratif, y voyait un «ruissellement de jeunesse» ; en effet, c’est l’œuvre géniale d’un jeune homme de 17 ans, d’une perfection et d’une séduction sonore prodigieuses. 

Mais l’amour peut parfois être aussi une passion destructrice qu’inspirent des «femmes fatales» comme Dalila ou Carmen. Le moment crucial de l’histoire d’amour et de trahison qu’est Samson et Dalila, tirée d’un épisode biblique, est l’air «Mon cœur s’ouvre à ta voix», où Dalila parachève son entreprise de séduction pour obtenir de Samson le secret de sa force surhumaine, dans une mélodie aux accents enjôleurs et voluptueux. Ce rôle a été conçu par Saint-Saëns spécialement pour la cantatrice Pauline Viardot. 

Dans Thaïs de Massenet se confrontent l’amour sensuel et l’amour spirituel. Les deux protagonistes principaux sont la courtisane païenne Thaïs et un ascète chrétien, Athanaël. Ce dernier entreprend de convertir Thaïs, mais alors que celle-ci s’ouvre à l’amour divin, Athanaël succombe à la tentation charnelle. Au centre de l’opéra, la «Méditation» est un interlude symphonique qui symbolise le croisement des trajectoires sentimentales des deux personnages. Le violon solo joue une mélodie ineffable, andante religioso, dans laquelle se mêlent une sensualité passionnée et des élans spirituels vers une félicité céleste. 

On ne présente plus Carmen, la bohémienne qui vit ses amours dans la plus absolue liberté. Dans sa célèbre séguedille, elle défie le brigadier Don José par ses accents enjôleurs : «Mon cœur est libre comme l’air, […] qui veut m’aimer, je l’aimerai.» Mais que son amoureux prenne garde : Carmen est un caractère entier qui n’acceptera aucun compromis !

Le lien qui unit Roméo et Juliette est sans doute le symbole le plus parfait de l’amour romantique, pur et absolu. Malgré la rivalité de leurs familles respectives, ces très jeunes gens se sont épris au premier regard, parfaite illustration du «coup de foudre» irrépressible ! Pour traduire en musique la tragédie de Shakespeare, Berlioz a inventé un genre hybride : une symphonie dramatique, et non un opéra. Bien qu’il s’y trouve des pages chantées destinées à cerner l’action, les moments les plus essentiels de l’intrigue sont uniquement symphoniques. Ainsi, la «scène du balcon» tient lieu de duo d’amour, en évitant les conventions de l’opéra. Ce vaste adagio nocturne, plein de bruissements étouffés, de battements de cœur, d’élans furtifs laisse peu à peu émerger un magnifique thème d’un lyrisme ardent. C’est l’aveu de l’amour partagé, secrète félicité cernée par l’obscurité du jardin et les menaces confuses d’un avenir incertain.

La Favorite de Donizetti, grand opéra romantique dont la version originale fut donnée en français à l’Opéra de Paris en 1840, recueillant un immense succès, est un peu oublié de nos jours. Son intrigue située en Espagne au XIVe siècle, met en scène Léonor, la maîtresse du roi de Castille Alphonse XI, qui aime et est aimée de Fernand. Mais le déshonneur qui entache la destinée de Léonor, ignoré de Fernand, l’empêche d’accéder au bonheur conjugal qui lui est pourtant promis par le roi lui-même. Plutôt que de faire rejaillir cette disgrâce sur son amoureux, elle préfère renoncer à cette union. C’est le déchirement de ce conflit insoluble qui s’exprime dans son récitatif et grand air du troisième acte, où elle pense ne pas survivre à une telle situation. («Jetez un voile noir sur la triste fiancée, qui maudite et repoussée, sera morte avant ce soir»). Le personnage de Léonor, mezzo-soprano, fut l’un des grands rôles interprétés par Pauline Viardot.

– Isabelle Rouard

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