Information

En raison d’une intervention technique sur notre système de billetterie, les réservations de billets ne seront pas possibles en ligne, au guichet et par téléphone le vendredi 3 janvier 2025. Pour tout renseignement, vous pouvez contacter le service billetterie au 04 78 95 95 95. Merci de votre compréhension.

Notes de programme

ALEXANDRA DOVGAN

Sam. 27 avril 2024

Retour au concert du sam. 27 avril 2024

Programme détaillé

Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Partita pour clavier n° 6, en mi mineur, BWV 830

(Extraite de la Clavier-Übung I)

I. Toccata
II. Allemanda
III. Corrente
IV. Air
V. Sarabande
VI. Tempo di Gavotta
VII. Gigue

[30 min]

Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate n° 26, en mi bémol majeur, op. 81a, «Les Adieux»

(«Sonate caractéristique : Les Adieux, l’Absence et le Retour»)

I. Das Lebewohl [Les Adieux] : Adagio – Allegro
II. Die Abwesenheit [L’Absence] : Andante espressivo
III. Das Wiedersehen [Le Retour] : Vivacissimamente

[17 min]

 

--- Entracte ---

Johann Sebastian Bach
Prélude, Gavotte et Gigue

Extraits de la Partita pour violon seul n° 3, en mi majeur, BWV 1006
Arrangements pour piano de Sergueï Rachmaninov

[8 min]

Sergueï Rachmaninov (1873-1943)
Variations sur un thème de Corelli, op. 42

Thème : Andante / Variation I : Poco più mosso / Variation II : L’istesso tempo / Variation III : Tempo di minuetto / Variation IV : Andante / Variation V : Allegro (ma non tanto) / Variation VI : L’istesso tempo / Variation VII : Vivace / Variation VIII : Adagio misterioso / Variation IX : Un poco più mosso / Variation X : Allegro scherzando / Variation XI : Allegro vivace / Variation XII : L’istesso tempo / Variation XIII : Agitato / Intermezzo : A tempo rubato / Variation XIV : Andante (come prima) / Variation XV : L’istesso tempo / Variation XVI : Allegro vivace / Variation XVII : Meno mosso / Variation XVIII : Allegro con brio / Variation XIX : Più mosso – Agitato / Variation XX : Più mosso / Coda : Andante

[19 min]

Alexandre Scriabine (1872-1915)
Sonate n° 2, en sol dièse mineur, op. 19, «Sonate-Fantaisie»

I. Andante
II. Finale : Presto

[12 min]

Distribution

Alexandra Dovgan piano

Introduction

Née en 2007, Alexandra Dovgan est passée dès l’adolescence du statut d’enfant prodige à celui de pianiste incontournable. Les bonnes fées étaient au complet autour de son berceau, sans compter un parrain irremplaçable, Grigori Sokolov, qui lui a mis le pied à l’étrier international et continue de veiller sur elle, avec son professeur de toujours, Mira Marchenko. Même si la jeune fille jouait à 12 ans à la Philharmonie de Berlin, au Concertgebouw d’Amsterdam, au Festival de Salzbourg ou au Théâtre des Champs-Élysées, elle n’a jamais été considérée par son mentor comme une enfant prodige mais comme une égale, tant sa maîtrise et sa personnalité musicale étaient déjà stupéfiantes.

Dans ce récital, Alexandra Dovgan laisse largement la parole à Johann Sebastian Bach, avec l’une de ses pages pour clavier les plus ambitieuses, la Sixième Partita (publiée vers 1725-1730), et trois extraits de la Troisième Partita pour violon (vers 1720) que Sergueï Rachmaninov transcrivit en 1933 en guise de bis lors de ses propres récitals. Pour nourrir sa carrière de virtuose, le compositeur russe s’empara également, en 1931, de l’un des thèmes les plus illustres de l’histoire de la musique, les Folies d’Espagne, dont le compositeur italien baroque Arcangelo Corelli avait lui-même tiré en 1700 de brillantes variations pour le violon. La «Sonate-Fantaisie» (1897) est elle aussi l’œuvre d’un immense pianiste, Alexandre Scriabine. Elle a été achevée en 1897, un an avant qu’il devienne, à 26 ans, le plus jeune professeur de piano du Conservatoire de Moscou. Quant à la Sonate «Les Adieux» de Ludwig van Beethoven (1810), elle traduit l’absence et les retrouvailles avec un ami cher, l’archiduc Rodolphe, fils de l’empereur Léopold II et élève du compositeur.

Bach, Partita pour clavier n° 6

La série des six partitas pour clavecin est la première œuvre que Bach a souhaité livrer à l’édition, entre 1725 et 1730, sous le titre de Clavier-Übung («exercice», ou «pratique du clavier»), titre qu’il avait repris à son prédécesseur cantor à Leipzig, Johannes Kuhnau. Trois autres volumes suivront, dont l’un pour orgue, constituant, dans l’esprit du compositeur, des modèles d’accomplissement dans les différents genres instrumentaux pour clavier (la suite de danses, le concerto, l’ouverture, le prélude et fugue, le choral, la variation). 

Effectivement, un monde sépare les recueils des suites «anglaises» ou «françaises» composées antérieurement, et cet ensemble de partitas, parfois dénommées «suites allemandes», tellement elles sont élaborées et profondes, éloignées de toute futilité galante. En outre, la Sixième Partita est sans doute la plus sérieuse, abstraite et méditative de la série.

Chaque partita commence par une vaste pièce servant de prélude, portant différentes appellations (respectivement «Præludium», «Sinfonia», «Fantasia», «Ouverture», «Præambulum» et «Toccata»). La pièce introductive de la Sixième Partita est la plus ample des six : c’est une majestueuse toccata aux envolées théâtrales alternant avec des moments d’introspection. Elle comporte un vaste passage fugué central dont le sujet reprend l’appogiature (dissonance appuyée) qui caractérise l’apostrophe initiale de la «Toccata».

L’«Allemande» et la «Courante» délicatement syncopée adoptent une écriture ornementée, au lyrisme mélodique sinueux, d’un grand raffinement. L’«Air», qui prend ses distances avec la danse, adopte la forme d’une invention à deux voix d’une plus grande simplicité. Au centre de l’œuvre, la «Sarabande» est une pièce profondément émouvante, où la lenteur du tempo souligne les subtilités harmoniques par de longues suspensions. Le «Tempo di gavotta», d’une écriture cursive à deux voix, est suivi d’une «Gigue» en forme de fugue à trois voix, dont le sujet au profil anguleux est traité en renversement dans la deuxième partie de la pièce, ajoutant au caractère dansant la perfection du contrepoint.

– Isabelle Rouard

Beethoven, «Les Adieux»

Composition : 1809-1810.
Dédicace : à l’Archiduc Rodolphe.

Un certain nombre de sonates de Beethoven portent des sous-titres, souvent apocryphes, parfois ajoutés par ses éditeurs. Exceptionnellement, les sous-titres donnés à cette sonate sont bien de Beethoven lui-même et constituent donc un programme, une trame narrative très générale. L’œuvre est dédié à un ami cher, l’archiduc Rodolphe, fils de l’empereur Léopold II, élève de Beethoven depuis 1804 et dédicataire de quelques-uns de ses chefs-d’œuvre, notamment les Quatrième et Cinquième Concertos pour piano, et plus tard la Dixième Sonate pour violon et piano, le Trio «L’Archiduc», les Sonates pour piano op. 106 et op. 111, la Missa solemnis et la Grande Fugue pour quatuor à cordes. À cause de l’avancée des troupes françaises de Napoléon, la famille impériale avait dû quitter Vienne, et Beethoven avait esquissé à cette occasion le premier mouvement de la sonate.

Les trois premières notes de l’Adagio initial énoncent le mot «Le-be-wohl» («Adieu !», littéralement : «Vis bien !»), écrit sur la partition, dans une expression recueillie et désolée. Cette introduction lente laisse bientôt place à un Allegro où percent l’énergie et l’espoir d’un meilleur destin, bien que le mot «Lebewohl» résonne encore dans les notes longues du développement central, et jusque dans la coda finale, comme de lointaines sonneries de cors au détour d’une forêt romantique.

«L’Absence» est un intermède désolé, un récitatif plein d’interrogations qui s’enchaine directement sur l’explosion de joie du «Retour» de l’ami, dans un mouvement d’une vivacité extrême. Vers la fin, le mouvement se calme soudain (Poco andante), dans un souvenir ému empreint de tendresse, avant de terminer sur une envolée brillante.

– I. R.

Bach, Prélude, Gavotte et Gigue

Composition : vers 1720.
Arrangements : 1933.

Rachmaninov a écrit de nombreuses transcriptions pour piano d’œuvres de différents compositeurs, qu’il jouait en bis lors de ses récitals. Pour son unique transcription d’après Bach, il a choisi trois extraits de la Troisième Partita pour violon seul. Mais là où Bach se limitait volontairement à l’emploi d’un seul instrument en principe monodique pour exprimer les dimensions rythmique, mélodique, harmonique et contrapuntique du discours musical, par l’emploi d’artifices d’écriture créant une polyphonie virtuelle, Rachmaninov déploie toute la luxuriance du piano moderne dans un arrangement très personnel : il saisit la moindre occasion suggérée par Bach pour enrichir les lignes mélodiques, ajouter des imitations, colorer les motifs par des touches harmoniques plus modernes et délicieusement anachroniques, comme un jazzman s’empare d’un standard pour en faire une création personnelle. Le «Prélude» devient une crépitante toccata, la célèbre «Gavotte en rondeau», une dentelle sonore délicatement ciselée où le mouvement s’alanguit parfois avec un brin de nostalgie, et la «Gigue» un étourdissant mouvement perpétuel.

 – I. R.

Rachmaninov, Variations sur un thème de Corelli

Composition : été 1931.
Dédicace : à Fritz Kreisler.
Création : Montréal, 12 octobre 1931, par le compositeur.

 
Après son émigration en Occident en 1917, suite à la Révolution russe, Rachmaninov se tourne vers une carrière de virtuose international et délaisse complètement la composition pendant une décennie. Dès lors, il ne produira plus que six opus, parmi lesquels les Variations sur un thème de Corelli op. 42, seule œuvre pour piano solo composée hors de Russie, lors d’un séjour estival en France en 1931.

C’est le violoniste viennois Fritz Kreisler, dédicataire de l’œuvre, qui a, semble-t-il, attiré l’attention de Rachmaninov sur le thème de Corelli. En effet, il était lui-même l’auteur d’un arrangement pour violon et piano de la célèbre Sonate pour violon et basse continue op. 5/12 du compositeur italien. Cependant, Corelli n’est pas véritablement l’auteur de ce thème, célèbre sous le nom de la Follia. C’est à l’origine une danse populaire ibérique de la fin du XVe siècle qui s’était largement répandue dans toute l’Europe, sa structure harmonique simple servant de support à l’improvisation instrumentale. De nombreux compositeurs baroques s’en étaient emparés en faisant émerger un motif mélodique pour créer des variations plus élaborées. La douzième sonate, qui couronne l’opus 5 de Corelli, consiste en une série de vingt-trois variations utilisant toutes les ressources techniques et expressives du violon baroque.

Rachmaninov fait preuve d’une bien plus grande originalité créatrice que Kreisler, puisqu’il ne s’agit plus de simplement adapter l’œuvre de Corelli. Cependant, il assume les contraintes exigeantes de la composition de variations strictes : le thème formé de deux phrases symétriques de huit mesures ne permet ni développements ni modulations éloignées, et en principe aucune digression ni épanchement lyrique, ce qui tranche avec l’expressivité volontiers hyperbolique du compositeur russe. Rachmaninov s’inscrit là dans la tendance néo-classique de la musique de l’entre-deux-guerres, où l’on redécouvrait peu à peu le répertoire de l’époque baroque pour s’en inspirer dans des compositions modernes, mais sans encore y appliquer des critères d’interprétation «historiquement informés».

Dans ses vingt variations, le compositeur explore un kaléidoscope sans cesse renouvelé de textures pianistiques, parant le thème de couleurs harmoniques inattendues, et déployant toutes les ressources de son incomparable virtuosité. L’éventail des caractères expressifs va de la mélancolie à l’exaltation, de la brusquerie mystérieuse à l’humour sarcastique, de la douceur rêveuse à la puissance implacable.

Au centre de l’œuvre, Rachmaninov interrompt un instant le cours des variations rigoureuses en un intermezzo où une sorte de cymbalum tsigane semble improviser une vertigineuse cadenza. Le thème reparaît alors dans la lumière nouvelle de bémol majeur ; les variations reprennent dans un tempo qui s’accélère peu à peu dans une course vertigineuse. Mais le compositeur a souhaité terminer l’œuvre par une libre interprétation lyrique du thème, dans une coda lente et rêveuse qui décrit une ample courbe mélodique et retombe peu à peu vers le grave et le silence.

– Isabelle Rouard

Pour aller plus loin :

Arcangelo Corelli (1653-1713) : Sonate pour violon et basse continue op. 5/12 «La Follia», par l’ensemble Academia bizantina (avec partition).

Arcangelo Corelli : Sonate pour violon et basse continue op. 5/12 «La Follia», arrangée pour violon et piano (1910) par Fritz Kreisler (1875-1962), par Itzhak Perlman et Samuel Sanders.

Scriabine, Sonate n° 2, «Sonate-Fantaisie»

À l’époque où Scriabine compose sa Deuxième Sonate, dont la genèse s’étend sur une longue période, il affirme son originalité créatrice dans une relation presque exclusive au piano, à l’instar de son modèle essentiel, Chopin. En 1898, il devient à 26 ans le plus jeune professeur du Conservatoire de Moscou, quelques années après y avoir achevé ses études. Ses élèves témoignent de la qualité de son enseignement pianistique, qui insistait sur le toucher, la sonorité, les couleurs, la beauté du phrasé, une grande liberté de jeu. Il éveillait ses élèves à l’imagination créatrice par la fascination qu’il exerçait sur eux. «Il possédait un toucher presque magique, particulièrement enchanteur lorsqu’il jouait dans la douceur, tirant magnifiquement de la pédale des effets fugitifs, concevant parfois des finesses qui étaient comme des révélations soudaines», relate ainsi le biographe de Rachmaninov Victor Seroff.

Ces qualités si personnelles transparaissent dans la Deuxième Sonate, dont le sous-titre de «Sonate-Fantaisie» souligne la transcendance du genre classico-romantique au profit de la liberté imaginative. Ainsi, l’œuvre concentre en deux mouvements seulement, rigoureusement agencés, l’essentiel des contrastes dialectiques de la grande forme.

L’Andante est fondé sur deux thèmes complémentaires, exposés, développés puis réexposés : le premier, de caractère interrogatif, ponctué de trois notes répétées, s’échappe progressivement en volutes raffinées qui s’abandonnent en un rubato* généralisé. Le second est une mélodie lyrique diaprée de guirlandes scintillantes de notes aiguës.

Le contraste est total avec le Presto : on glisse sans transition d’une chaude tonalité majeure à un ton mineur qu’on dirait gris acier, et l’agogique* passe brusquement de l’alanguissement à l’action, en un mouvement perpétuel qui ne laisse aucun répit à l’interprète. Pourtant une mélodie exaltée parvient à émerger, triomphant finalement de ce chaos sonore.

Scriabine a été tenter d’ajouter après coup un programme descriptif à sa sonate : le premier mouvement serait l’évocation d’un rivage au clair de lune, et le second une tempête en mer. Mais le caractère parfaitement abstrait de sa musique, sans aucun effet pittoresque ou impressionniste, rend cette intention superflue. Sa musique exprime dans l’absolu la fluidité calme ou la lutte contre des forces hostiles.

– I. R.
 
* Le terme agogique désigne les modifications subtiles du tempo (accéléré, ralenti…) qui rendent vivante l’interprétation d’un morceau de musique (en opposition à une exécution exacte et mécanique). Le rubato (manière de jouer avec expression, en pressant certaines notes de la mélodie et en en retardant d'autres), très pratiqué dans la musique d’esthétique romantique, en est un parfait exemple.

Auditorium-Orchestre national de Lyon

04 78 95 95 95
149 rue Garibaldi
69003 Lyon

The Auditorium and the Orchestre national de Lyon: music in the heart of the city. 160 concerts per season : symphonic concerts, recitals, films in concerts, family concerts, jazz, contemporary and world music, but also workshops, conferences, afterworks ...