Notes de programme

RÊVERIES D’ÉTÉ

Jeu. 12 sept. 2024

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Programme détaillé

Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847)
Ouverture du Songe d’une nuit d’été

[12 min]

Jean Sibelius (1865-1957)
Concerto pour violon et orchestre en ré mineur, op. 47

I. Allegro moderato
II. Adagio di molto
III. Allegro ma non tanto

[35 min]

--- Entracte ---

Piotr Ilyitch Tchaïkovski (1840-1893)
Symphonie n° 1, en sol mineur, op.13, «Rêverie d’hiver»

(Version révisée de 1874)

I. «Rêves durant un voyage d’hiver» : Allegro tranquillo
II. «Contrée lugubre, contrée brumeuse» : Adagio cantabile ma non tanto
III. Scherzo : Allegro scherzando giocoso
IV. Finale : Andante lugubre – Allegro maestoso

[44 min]

Concert capté par Radio Classique.

Distribution

Orchestre national de Lyon
Nikolaj Szeps-Znaider 
direction
Sergey Khachatryan violon

Introduction

Selon E.T.A. Hoffmann, il y a dans la Première Symphonie de Tchaïkovski plus de rêve que d’hiver, «peu d’hiver de la nature mais un hiver de l’âme». L’écrivain y entend notamment «un oiseau perdu dans la steppe» et une «farandole de fantômes». Dans l’ouverture du Songe d’une nuit d’été de Mendelssohn, inspirée par la pièce homonyme de Shakespeare à un adolescent de 17 ans, ce sont elfes, fées et humains qui s’agitent sous les rires espiègles du lutin Puck. Dans la musique de Sibelius, les saisons s’étirent lentement, comme dans les vastes paysages finlandais, ouvrant d’infinis imaginaires. Mais c’est bien l’été qui touchait à sa fin quand Sibelius s’enthousiasma d’avoir trouvé de «magnifiques thèmes pour le concerto pour violon». Le fils du compositeur raconte que son père, violoniste lui-même, les retravaillait jour et nuit, comme un déchaîné, incapable de «se séparer de ses délicieuses mélodies». Sergey Khachatryan a fait la preuve de ses affinités avec cette partition en remportant en 2000 le Concours Sibelius à Helsinki, cinq ans avant son triomphe au Concours Reine-Elisabeth. Le concerto de Sibelius est resté une de ses œuvres fétiches et il s’y déplace comme un funambule, en suspension entre ciel et terre – dans une magnifique rêverie.

(Texte : Auditorium-Orchestre national de Lyon)

Mendelssohn, ​​​​​​​Ouverture du Songe d’une nuit d’été

Composition : 1826.
Création : Stettin (Allemagne), 29 avril 1827 à Stettin, sous la direction de Carl Loewe.

Certaines œuvres sont si jaillissantes, si exemptes de traces d’efforts qu’elles semblent être nées comme par enchantement. Tel est le cas de l’ouverture inspirée par Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare à un Mendelssohn de 17 ans : une œuvre étonnamment mûre, dont l’équilibre, la fraîcheur, l’imagination ne laissent d’étonner. Le jeune homme, il est vrai, était loin de débuter. Enfant prodige, doué pour tous les arts et doté de la meilleure éducation, il avait déjà à son actif cinq opéras, treize symphonies pour cordes, quatre concertos et nombre de pièces pour piano, orgue, chœur ou formations de chambre – notamment, en 1825, son premier grand chef-d’œuvre : le magnifique Octuor à cordes en mi bémol

L’année suivante, Mendelssohn tombe sous le charme du Songe d’une nuit d’été et le lit avec avidité en compagnie de sa sœur bien-aimée, Fanny. Sous le coup de cette découverte, il écrit à Fanny : «Je me suis habitué à composer dans notre jardin. Aujourd’hui ou demain je vais aller y rêver le Songe d’une nuit d’été. J’en suis tout excité !»

Ce rêve s’incarne dans une ouverture pour piano à quatre mains achevée le 6 août, que Felix et Fanny jouent devant un public d’amis à la fin de l’été, lors d’une soirée offerte dans la demeure familiale. L’œuvre est ensuite orchestrée en vue d’un concert donné le 29 avril 1827 à Stettin, sous la direction du compositeur Carl Loewe : ce sera le premier grand succès public de Mendelssohn.

Malgré l’apparente facilité d’écriture que dégage l’ouverture, elle a coûté pas mal de sueur au compositeur. Lorsqu’il montre les premières esquisses à Adolph Marx, le jeune Felix se voit répondre que les accords initiaux et la danse légère des elfes sont charmants, mais sans rapport avec la pièce. Blessé, il demande toutefois à son ami et mentor comment rendre l’ouverture plus fidèle à Shakespeare. Marx évoquera plus tard cet échange : «Seule l’allusion à l’errance des amoureux, dans le premier thème, pouvait être sauvé… tout le reste devait être réécrit. J’insistai pour prévoir un moment pour les clowns et même pour les ardents braiments de Bottom.» Mendelssohn se rangera à l’avis de Marx, donnant au morceau la forme qu’on lui connaît aujourd’hui.

– Claire Delamarche

Sibelius, concerto pour violon

Composition : 1902-1904, révision en 1905.
Création : Helsinki, 8 février 1904, par Viktor Nováček et l’Orchestre philharmonique d’Helsinki, sous la direction du compositeur (version originale). Berlin, 19 octobre 1905, par Karl Halíř et l’Orchestre philharmonique de Berlin, sous la direction de Richard Strauss (version révisée).

Sibelius avait 14 ans lorsqu’il découvrit le violon, et il se prit d’un enthousiasme si frénétique pour cet instrument qu’il envisagea pendant quelques années une carrière de concertiste. Il dut renoncer à ce rêve mais conserva néanmoins une passion pour l’instrument qui s’incarne dans les diverses pages qu’il lui a confiées, en particulier dans l’unique concerto mené à son terme. Cette œuvre très virtuose sonne toutefois comme un adieu aux illusions de jeunesse – elle naquit de plus dans une période sombre de la vie de Sibelius, qui venait de perdre sa troisième fille de la typhoïde, se débattait dans d’incessants problèmes d’argent, craignait un cancer de la gorge et noyait ses angoisses dans l’alcool.

Le concerto prit forme lentement, comme souvent chez Sibelius. Les premières esquisses remontent à l’été 1902 et, le 18 septembre de cette année, le compositeur pouvait écrire à sa femme, Aino, qu’il avait trouvé de magnifiques idées mélodiques. L’écriture s’intensifia l’année suivante, avec une parenthèse de deux mois pour écrire la musique de scène de Kuolema [La Mort], qui renferme l’illustre Valse triste. Début 1904, Sibelius hâta le mouvement : il venait d’acquérir un terrain à Järvenpää et avait besoin d’argent frais pour bâtir la maison où il passerait la fin de ses jours, Ainola. Prévue à Berlin au mois de mars, la création fut avancée d’un mois et transférée à Helsinki.
Malheureusement, le commanditaire, le virtuose allemand Willy Burmester, n’était plus libre pour l’assurer. Son remplaçant, un jeune professeur de violon nommé Viktor Nováček, batailla sans succès contre une partition qui dépassait ses moyens. Sous le feu des critiques, qui jugeaient notamment les difficultés techniques trop déconnectées du contenu musical, Sibelius entreprit en 1905 de réviser la partition et de mieux intégrer le violon solo au discours symphonique. La seconde grande cadence du soliste dans le premier mouvement et celle, plus modeste, du mouvement lent, firent les frais de cette condensation ; le finale subit lui aussi plusieurs coupures, mais aussi une réécriture plus substantielle : orchestration adoucie, partie soliste délestée de difficultés techniques superflues. Aino fit savoir qu’elle regrettait la version initiale, plus sauvage… La création de la version définitive fut donnée en octobre 1905 par l’Orchestre philharmonique de Berlin, sous la direction de Richard Strauss. Mais une fois de plus Burmester en fut écarté, au profit cette fois du violon solo de l’orchestre, Karl Halíř. Vexé de voir lui échapper une seconde fois l’œuvre qui lui était promise, Burmester fit le vœu de ne jamais la jouer, et Sibelius la dédia finalement à un jeune virtuose hongrois, Ferenc Vecsey. La version révisée connut elle aussi un début tiède. C’est grâce à Jascha Heifetz et à son mythique enregistrement de 1935 qu’elle put s’envoler vers le fabuleux destin qu’on lui connaît.

Lyrique comme celui de Mendelssohn, puissant comme celui de Tchaïkovski, le concerto est la dernière grande page orchestrale de ce que l’on définit souvent comme la veine romantico-nationaliste de Sibelius – partitions contemporaines du concerto, la Deuxième Symphonie (1902) et Kuolema inaugurent une manière plus minérale, plus concentrée, plus mystique aussi, qui trouvera son aboutissement dans les partitions ultimes de Sibelius, la musique de scène pour La Tempête de Shakespeare et le poème symphonique Tapiola, en 1927.

On reconnaîtra également, derrière la trame estompée des formes classiques, l’intelligence si personnelle qu’a Sibelius de la structure musicale. Dès le premier mouvement, la grande cadence du soliste est par exemple intégrée au déroulement de la forme sonate, où elle fait office de développement. Mais ce qui domine dans cet Allegro moderato initial, c’est la beauté du premier thème, qui saisit l’auditeur dès les premières mesures : une longue cantilène suspendue au-dessus de frémissements de violons, dont le dessin mélodique trouve ses prémices dans le premier mouvement de la Deuxième Symphonie (1902).

Le mouvement lent, introduit par ces duos de bois à la tierce que Sibelius aime tant, est l’un des plus purs joyaux de lyrisme de son œuvre entière. Quant au finale, qualifié par le musicologue anglais Donald Tovey (sans aucune volonté péjorative) de «polonaise pour ours polaires», il est propulsé par un thème principal tout en rythmes syncopés ; son éclat tourmenté doit peut-être au finale de la Septième Symphonie de Dvořák, elle aussi en mineur, que Sibelius aimait énormément.

– C. D.

Tchaïkovski, Symphonie n° 1

Les six symphonies de Tchaïkovski, qui s’échelonnent entre 1866 et 1893, peuvent clairement être subdivisées en deux groupes. Les trois premières, toutes différentes les unes des autres, écrites respectivement en 1866, 1872 et 1875, sont d’inspiration globalement «objective». Au contraire, les trois dernières, bien que plus espacées dans le temps (1877, 1888, 1893), sont profondément subjectives et toutes unies par une idée de programme commune, quoique musicalement différentes : celle de la hantise du fatum, «cette épée de Damoclès qui est suspendue au-dessus de notre tête et qui empêche l’aboutissement de l’élan vers le bonheur», selon les propos du compositeur. Angoisse perpétuelle devant la vie, attente de tout ce qui peut arriver de pire, sans que cela ait de définition précise, conscience de la faiblesse de l’humain face aux verdicts de la destinée, tentatives désespérées de trouver des palliatifs : partant de tout cela, Tchaïkovski a réalisé des dramaturgies musicales qui font de ces symphonies de véritables mises en scène de son univers intérieur.

L’hiver russe, avec son mélange de mélancolie contemplative et d’exaltation pittoresque, reflet d’un paysagisme géographique autant que d’un paysagisme de l’âme, a inspiré la Première Symphonie, basée sur des réminiscences de ses voyages hivernaux entre Saint-Pétersbourg à un compositeur de 26 ans. Tchaïkovski venait à ce moment-là de passer de son statut d’étudiant au Conservatoire de Saint-Pétersbourg à celui de professeur au Conservatoire de Moscou. Elle lui coûta de la peine mais fut une belle réussite.

Les deux premiers mouvements comportent des sous-titres. «Rêves durant un voyage d’hiver», ainsi est qualifié l’allegro tranquillo initial, à la fois pensif et animé, faisant entrevoir des volettements de flocons de neige, et culminant dans un tutti puissant et altier.

Le second mouvement adagio cantabile ma non tanto est intitulé «Contrée lugubre, contrée brumeuse». L’ambiance est à un lyrisme pensif, avec le début aux cordes munies de sourdines, d’où naît une mélodie au hautbois bientôt ornée d’échappées à la flûte.

Le scherzo, allegro scherzando, ballet fantastique et aérien, reprend dans sa première partie le mouvement analogue de la Première Sonate pour piano de Tchaïkovski, écrite en 1865.

Le finale, assez long et complexe, débute par une citation de mélodie populaire et débouche dans la partie principale allegro maestoso, où retentit un motif énergique, à l’orchestration cuivrée, proche d’une marche. 

– André Lischke

Nikolaj Szeps-Znaider vous parle du Concert d'ouverture

Auditorium-Orchestre national de Lyon

04 78 95 95 95
149 rue Garibaldi
69003 Lyon

The Auditorium and the Orchestre national de Lyon: music in the heart of the city. 160 concerts per season : symphonic concerts, recitals, films in concerts, family concerts, jazz, contemporary and world music, but also workshops, conferences, afterworks ...