Notes de programme

Feux d’artifice royaux

jeu. 16 jan | sam. 18 jan. 2025

Retour aux concerts des jeu. 16 et sam. 18 jan. 2025

Programme détaillé

Georg Friedrich Händel (1685-1759)
Royal Fireworks Music

I. Ouverture : Adagio – Allegro
II. Bourrée
III. La Paix : Largo alla siciliana
IV.  La Réjouissance : Allegro
V.  Menuets I et II

[19 min]

Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Ouverture (ou Suite) pour orchestre n° 2, en si mineur, BWV 1067

I. Ouverture
II. Rondeau
III. Sarabande
IV. Bourrée I – Bourrée II – Bourrée I da capo
V. Polonaise : Lentement – Double – Polonaise da capo
VI. Menuet
VII. Badinerie

[20 min]

Ouverture (ou Suite) pour orchestre n° 4, en ré majeur, BWV 1069

I. Ouverture
II. Bourrée I – Bourrée II – Bourrée I da capo
III. Gavotte
IV. Menuet I – Menuet II – Menuet I da capo
V. Réjouissance 

[19 min]

Concert sans entracte.

Distribution

 

Orchestre national de Lyon
Bernard Labadie 
direction
Emmanuelle Réville flûte

Introduction

Composée en 1749, pour agrémenter une fastueuse cérémonie célébrant le retour de la paix en Europe après le second traité d’Aix-la-Chapelle, la Musique pour les feux d’artifice royaux déchaîna les foules. À en croire certains témoignages, douze mille personnes se seraient précipitées pour assister aux répétitions. L’orchestre réunissait quatre-vingts musiciens avec moult vents et percussions pour couvrir le bruit des détonations. Cette partition cuivrée tranche avec l’élégance raffinée des suites pour orchestre de Bach, composées autour de 1730. Nés la même année au cœur de l’Allemagne luthérienne, les deux musiciens étaient organistes et décédèrent aveugles après une opération de la cataracte par le même charlatan. Leurs carrières sont toutefois diamétralement opposées. Empruntant à la danse, leurs suites instrumentales pourraient être un point de convergence, elles témoignent au contraire de l’extraordinaire richesse de la musique baroque.

Texte : Auditorium-Orchestre national de Lyon

Händel, Feux d’artifice royaux

Répétition publique : Londres, dans les jardins de Vauxhall, grand succès public. 
Création : Londres, Green Park, 27 avril 1749, pour célébrer le second traité d’Aix-la-Chapelle (18 octobre 1748) et la paix revenue à l’issue de la guerre de Succession d’Autriche. 

La suite de danses constitue l’un des genres musicaux les plus importants des XVIIe et XVIIIe siècles, contribuant largement au développement du répertoire instrumental à la période baroque. Attesté dès le XIVe siècle, le principe d’une succession de danses liées par une unité tonale prend particulièrement son essor en Allemagne et en France dans la première partie du XVIIe siècle. S’émancipant peu à peu du contexte chorégraphique ou pittoresque qui lui donne jour (bal puis ballet), la suite devient un genre autonome, destiné au seul concert, et essaime dans l’Europe entière. 

Dans sa version orchestrale, la suite associe souvent ces principes à ceux du stile concertato vénitien (répartition des musiciens en chœurs spatialisés, dialoguant à distance) : c’est le cas dans la Music for the Royal Fireworks, qui s’inscrit ainsi dans la mouvance du concerto grosso, élaboré en Italie dans le dernier quart du XVIIe siècle. Georg Friedrich Händel s’était déjà essayé en 1717 à la composition d’une série de suites orchestrales destinées au plein-air, pour un voyage d’apparat du roi Georges Ier sur la Tamise – la célèbre Water Music. Trente ans plus tard, le fils du souverain, Georges II, qui lui avait succédé sur le trône de Grande-Bretagne, commanda à Händel une œuvre équivalente, pour une nouvelle cérémonie de plein-air.

En 1749, le roi avait en effet décidé de donner à Green Park une cérémonie de grande envergure destinée à célébrer le retour de la paix en Europe, survenu un an auparavant à l’issue de la signature du second traité d’Aix-la-Chapelle (18 octobre 1748). Il demanda alors au compositeur d’écrire une œuvre «pour instruments guerriers», afin d’accompagner un somptueux spectacle pyrotechnique commandé à son artificier, Gaetano Ruggieri.

Pendant des suites de la Water Music, la Music for the Royal Fireworks tire comme elle son inspiration des grandes œuvres de Jean-Baptiste Lully ou Michel-Richard Delalande pour les fêtes du château de Versailles. Aux instruments guerriers (cuivres, timbales) demandés expressément par le roi, Händel choisit d’ajouter quatre parties de cordes, doublées de hautbois pour les deux parties de violons, et de basson pour la basse-continue, à la manière française.

L’œuvre commence d’ailleurs par une vaste ouverture à la française : une première partie lente, à quatre temps, déploie dans une écriture très verticale et monolithique ses rythmes surpointés*, à peine aérée par quelques jeux d’échos entre cordes et cuivres. Une seconde partie à trois temps lui succède, rapide et dansante, faisant alterner les groupes instrumentaux comme dans un concerto grosso à l’italienne.

Une courte «Bourrée» dans la tonalité homonyme (mineur) succède à cette ouverture. Destinée aux cordes et hautbois accompagnés de la basse-continue, elle se révèle là encore très proche du modèle français : en deux parties répétées, rapide et sautillante, avec une carrure très claire soulignée par des levées marquées. Elle contraste cependant avec la pompe de l’ouverture par ses chromatismes et son mode mineur. 

La douce sicilienne «La Paix» qui lui succède, elle aussi en deux parties répétées, associe aux cordes et hautbois la sonorité lumineuse des cors, qui lui confère ici un côté champêtre. 

«La Réjouissance», à l’inverse, utilise trompettes, cors et timbales dans un éthos guerrier : son caractère marcato vient tout autant de ses nombreuses notes répétées que de la simplicité harmonique de la pièce, dans la tonalité principale de la suite (majeur).

Les deux menuets qui concluent cette Music for the Royal Fireworks font finalement alterner les tonalités de mineur et majeur utilisées durant toute l’œuvre, ainsi que les deux principaux groupes instrumentaux – cordes et hautbois d’une part, cuivres et timbales de l’autre – dans deux pièces contrastantes, l’une chantante et raffinée, émaillée de nombreux ornements, l’autre brillante et martiale, à l’instar de la cérémonie à laquelle l’œuvre était destinée.

Händel dut d’ailleurs renforcer considérablement les effectifs instrumentaux pour que le son de l’orchestre domine celui des fusées : au lieu d’un instrument à vent par voix, comme on l’entend en général aujourd’hui, l’œuvre fut donnée à sa création avec vingt-quatre hautbois, douze bassons, neuf cors et neufs trompettes, auxquels s’ajoutaient percussions et cordes. En dépit de quelques aléas (averses, petit incendie causé par le feu d’artifice) – la cérémonie et l’œuvre connurent un vif succès.

– Coline Miallier

* Rythmes surpointés
Manière de repousser au fond du temps la valeur courte dans un rythme pointé. Caractéristiques de la musique baroque française, s’inscrivant dans un geste interprétatif plus général nommé inégalité à la française, les rythmes surpointés participent largement de la pompe de la musique de cour. 
 

Bach, Ouvertures (Suites) pour orchestre

Sous différentes appellations et pour diverses formations instrumentales, de nombreuses œuvres relèvent chez Johann Sebastian Bach de la suite de danses : suites pour clavecin (Suites françaises, Suites anglaises), suites pour instrument soliste (Suites pour violoncelle seul, Partitas pour flûte ou violon), suites pour orchestre mâtinées de concerto grosso* (Concertos brandebourgeois), etc. De même, les quatre Ouvertures pour orchestre BWV 1066 à 1069 sont en fait autant de suites, auxquelles Bach a donné le nom d’ouvertures par métonymie puisque leurs premiers mouvements adoptent toutes les caractéristiques de l’ouverture à la française élaborée par Jean-Baptiste Lully : construction en deux parties contrastantes, l’une verticale et lente, d’une grande solennité, l’autre rapide, fuguée et dansante, souvent succédée du retour de la première partie.  

Si les suites pour clavier de Bach s’organisent presque systématiquement autour des quatre principales danses de la suite – allemande, courante, sarabande, gigue –, selon un canon relativement stable établi par Johann Jacob Froberger (1616-1667) dans la première moitié du XVIIe siècle, les quatre Ouvertures pour orchestre semblent au contraire s’éloigner de ce modèle pour se rapprocher de la tradition française des galanteries, succession de petites danses et pièces de caractère.
 
L’Ouverture n° 2, en si mineur, BWV 1067 débute par une ouverture à la française tripartite, adoptant en tous points les traits définis par Lully : une première partie lente, verticale, assez massive du fait de son homorythmie, solennelle par ses nombreux ornements et ses rythmes surpointés, particulièrement expressive (riches harmonies, nombreuses modulations, grands intervalles) ; une seconde partie rapide et virtuose, déployant un magnifique contrepoint imitatif entre les différentes voix. La flûte traversière affiche d’emblée son caractère soliste, à l’image du rôle qu’elle tiendra dans les autres mouvements de l’œuvre qui semble par moments se rapprocher du concerto de soliste. 
    
Le «Rondeau» qui suit adopte la carrure d’une gavotte – double levée suivie d’un premier temps de mesure allongé –, petite danse caractéristique des galanteries françaises. Bach organise la pièce selon un principe d’alternance de couplets et refrain (ou forme rondo) lui permettant des jeux de contrastes de nuances et de texture orchestrale – alternance de petits et grands groupes comme entre solistes et ripieno dans un concerto grosso.

Dans la «Sarabande», flûte et premier violon à l’unisson énoncent le thème en dialogue avec une basse continue particulièrement chantante. En deux parties avec répétitions, c’est la pièce qui se rapproche le plus de la suite de danses dans son modèle traditionnel. 

Les deux bourrées qui lui succèdent, agencées selon un plan tripartite typique des petites danses françaises (Bourrée I, Bourrée II, Bourrée I), jouent là encore d’effets de texture : première danse en tutti, marquant vigoureusement les temps forts, seconde entièrement dévolue à un solo de flûte légèrement accompagné – continuum de croches ponctué de quelques valeurs plus longues émergeant d’une matière orchestrale pleine de silences. 

De la même manière, la «Polonaise», marcato et très verticale, s’oppose à son «Double», solo de flûte tout en courbes véloces (arpèges et gammes) accompagné par la seule basse-continue. 

Après un doux menuet d’une étonnante simplicité, la suite se conclue par la célèbre «Badinerie» (ou «Battinerie» dans son orthographe originale), pièce de caractère éminemment virtuose. 

Très proche de l’Ouverture n° 2, l’Ouverture n° 4, en ré majeur, BWV 1069 en possède aussi le caractère concertant même si, du fait de ses trois hautbois et trompettes solistes, elle évoque plus le concerto grosso que le concerto de soliste. La version que l’on connaît aujourd’hui est en fait la troisième, vraisemblablement conçue pour les concerts du Collegium Musicum de Leipzig quand la première avait sans doute été composée une quinzaine d’années auparavant, durant la période de Coethen. 

Après une ouverture à la française rappelant les vives couleurs du Deuxième Concerto brandebourgeois dans un déploiement plus vaste (l’orchestre comprend aussi des timbales), la suite propose deux bourrées dans lesquelles les trompettes viennent tinter de brillant les parties de hautbois, mais toujours en doublures, de sorte qu’on peut les retirer pour interpréter l’œuvre dans une version allégée. Deux menuets leur succèdent, toujours dans un plan tripartite typique des galanteries françaises, avant une dernière pièce de caractère, «Réjouissance», pièce à trois temps vive et joyeuse construite sur une succession de syncopes dansantes.  

– C. M.

* Concerto grosso
Genre instrumental élaboré en Italie dans le dernier quart du XVIIe siècle associant les principes de la suite française et de la sonate italienne à ceux du stile concertato vénitien (répartition des musiciens en chœurs dialoguant à distance). Un petit groupe de solistes virtuoses, le concertino, défie un groupe plus important, le ripieno, tous s’unissant dans des moments de tutti.
 

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