Notes de programme

Mozart / Salieri

Ven. 17 jan. 2025

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Programme détaillé

Carl Philipp Emanuel Bach (1714-1788)
Symphonie en ré majeur, Wq 183/1 H.663

Extraite des Orchester-Sinfonien mit zwölf obligaten Stimmen

I. Allegro di molto
II. Largo
III. Presto

[11 min]

Antonio Salieri (1750-1825)
Triple Concerto pour violon, hautbois et violoncelle en ré majeur 

I. Allegro moderato
II. Cantabile
III. Andantino

[25 min]

--- Entracte ---

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Symphonie n° 17, en sol majeur, KV 129

I. Allegro
II. Andante
III. Allegro

[15 min]

Jan Křtitel Vanhal  (1739-1813)
Symphonie en ré mineur, Bryan d1

I. Allegro
II. Arioso ma non lento
III. Menuetto – Trio – Menuetto da capo
IV. Presto

[14 min]

Distribution

Orchestre national de Lyon
Giovanni Radivo 
violon et direction
Clarisse Moreau hautbois
Édouard Sapey-Triomphe violoncelle

Introduction

Alexandre Pouchkine a fait du pauvre Antonio Salieri un personnage bien antipathique, jalousant Mozart au point de l’assassiner par le poison (on sait aujourd’hui qu’il n’en fut rien). Son drame en vers Mozart et Salieri a inspiré l’opéra homonyme de Nikolaï Rimski-Korsakov, puis une pièce à Peter Shaffer et un film à Miloš Forman (Amadeus). Ce concert réconcilie les deux rivaux, qui partagent un style élégant, enjoué et brillant. Le Triple Concerto de Salieri (1770) place sur le devant de la scène trois solistes de l’Orchestre national de Lyon, la hautboïste Clarisse Moreau, le violoncelliste Édouard Sapey-Triomphe et le violoniste Giovanni Radivo, qui dirige également l’orchestre. Lui répond la Dix-septième Symphonie de Mozart, œuvre de jeunesse (1772) composée à Salzbourg. Deux aînés de Mozart complètent ce panorama de la musique symphonique de la seconde moitié du XVIIIe siècle, avec des œuvres influencées par le mouvement préromantique du Sturm und Drang : le «Bach de Berlin», Carl Philipp Emanuel, dans une symphonie composée à Hambourg en 1775, et le Tchèque Jan Křtitel Vaňhal, dont la symphonie naquit vraisemblablement à Vienne vers 1767-1768.

Texte : Auditorium-Orchestre national de Lyon

C. P. E. Bach, Symphonie en ré majeur

Composition : Hambourg, 1775.
Publication : Leipzig, 1780, au sein des quatre Orchester-Sinfonien mit zwölf obligaten Stimmen [Symphonies pour orchestre avec douze parties obligées].
Dédicace : à son Altesse royale Friedrich Wilhelm, prince de Prusse Création : Hambourg, 16 août 1776, sous la direction du compositeur.
Composition de l’orchestre : 2 flûtes, 2 hautbois, 2 cors, basson, cordes et continuo.

Quand dans les années 1775-1776 Carl Philipp Emanuel Bach compose ses Symphonies pour orchestre avec douze parties obligées (c’est-à-dire pour orchestre symphonique), qui sont ses dernières œuvres dans ce genre, il vit à Hambourg depuis 1768, où il a pris la succession de son parrain Georg Philipp Telemann comme director musices. En tant que cantor du Johanneum et directeur de la musique des cinq églises principales de la cité hanséatique, il en est la personnalité musicale la plus éminente. Son orientation artistique ne dépend plus des goûts d’un monarque ou d’un prince, comme précédemment à Berlin où il était claveciniste au service du roi Frédéric II de Prusse. Outre une abondante production de musique religieuse (passions et oratorios), il compose alors de la musique instrumentale (concertos pour clavecin, symphonies). Il organise de nombreux concerts publics où il dirige de grandes œuvres vocales de Händel, Gluck, Hasse, Salieri… et se produit au clavier.

Les quatre Symphonies pour douze parties obligées ont été créées dans ce cadre, avec un orchestre d’une quarantaine de musiciens (ce qui était alors exceptionnel) et ont déchaîné l’enthousiasme des auditeurs (chaque symphonie a été entièrement bissée). Le compositeur reconnaissait lui-même que ces symphonies étaient «ce que j’ai fait de plus grand dans le genre». Brèves et d’une densité exceptionnelle, elles se caractérisent par une originalité assumée, dans le style passionné et subjectif du Sturm und Drang*.

L’orchestre y est traité de manière inhabituelle : les vents ne se cantonnent pas à leur rôle ordinaire de renforcement des tutti par remplissage harmonique, mais jouent des soli individualisés, virtuoses ou poétiques. Dans l’agencement des idées musicales, on est loin de la continuité du dernier baroque illustrée notamment par le père de Carl Philipp Emanuel Bach, Johann Sebastian : les modulations hardies, les oppositions thématiques, les ruptures du discours constituent autant d’effets rhétoriques extrêmes qui interpellent l’auditeur et bousculent son confort d’écoute.

Dans la Symphonie en ré majeur, première des quatre, on remarquera l’entrée en matière surprenante du premier mouvement : une note répétée de manière de plus en plus insistante, sans que les arpèges anguleux qui la rejoignent ne lui donnent la moindre stabilité ! La proposition est jouée trois fois sans que la tonalité ne se clarifie pour autant, et s’enchaîne sur un tutti orageux. Autre moment captivant : la transition mystérieuse entre les premier et deuxième mouvements, qui module à la tonalité improbable et lointaine de mi bémol majeur (les érudits auront reconnu le «ton napolitain»). Le bref Adagio met en valeur deux flûtes solistes accompagnées par un violoncelle et un alto solos, et est suivi d’un Presto final des plus énergiques.

– Isabelle Rouard

* Sturm und Drang

Courant préromantique né dans le sillage de l’Aufklärung (les Lumières allemandes), dont on attribue la paternité au poète et philosophe Johann Gottfried Herder (1744-1803), disciple de Kant et mentor du jeune Goethe, son cadet de cinq ans. Le premier roman de ce dernier, Les Souffrances du jeune Werther (1774), en est considéré comme l’ouvrage clef. [n. d . l. r.].

Salieri, Triple Concerto

Composition : Vienne, 1770.
Composition de l’orchestre : violon solo, violoncelle solo, hautbois solo, 2 hautbois, 2 cors, basson, timbales, cordes.

On ne sait pas pour quelle circonstance ce concerto d’une formation originale a été composé. Salieri avait alors une vingtaine d’années ; il vivait à Vienne depuis 1766 et était au seuil d’une carrière comblée d’honneurs, qui serait saluée par ses pairs et couronnée par des succès publics, surtout dans le domaine de l’opéra. Il n’avait peut-être pas le génie de Mozart, mais de là à en faire un rival jaloux de celui-ci… C’est une pure fiction littéraire née à l’époque romantique (propagée notamment par Pouchkine), sans aucun fondement historique. Il eut comme élèves rien moins que Beethoven, Schubert, Meyerbeer, Hummel, Reicha, Moscheles, Czerny, le tout jeune Liszt, et Franz-Xaver Mozart, le dernier fils de Wolfgang.

Son Triple Concerto, d’une fraîcheur toute juvénile, marie avec élégance trois solistes virtuoses (dont un violoncelle qui chante souvent dans le registre aigu) et un orchestre d’une ampleur symphonique inaccoutumée. En guise de finale, un thème et variations sur un joyeux rythme de marche permet à chaque soliste de déployer ses guirlandes ornementales sur une basse harmonique stricte.

– I. R.

Mozart, Symphonie n° 17

Composition de l’orchestre : 2 hautbois, 2 cors, cordes.
Composition : Salzbourg, mai 1772.

Mozart était âgé de 16 ans quand il composa cette œuvre, qui fait partie d’un ensemble de huit symphonies nées à Salzbourg entre la fin décembre 1771 et août 1772. Il cherche sans doute à maîtriser ce genre prestigieux et à se constituer un répertoire pour son prochain voyage en Italie, prévu à l’automne de cette même année : on lui a en effet commandé l’opera seria Lucio Silla pour Milan. Les trois mouvements de cette Dix-septième Symphonie exploitent les ressorts d’une forme sonate encore un peu embryonnaire, qui deviendra le schéma formel privilégié du style classique viennois. On remarquera dans le premier mouvement, marquant l’arrivée du second thème, un «crescendo de Mannheim*» très rarement employé par Mozart par ailleurs. Le second mouvement exploite un thème de romance, de caractère simple et naïf. Quant au finale, il s’élance sur une fanfare de chasse qui met en valeur les cors de l’orchestre.

– I. R.

* École de Mannheim

À partir de 1743, la cour princière de Mannheim abrita un orchestre qui devint rapidement le plus réputé d’Europe, comptant dans ses rangs des musiciens allemands, autrichiens, bohémiens ou moraves tels Johann Stamitz, Franz Xaver Richter, Christian Cannabich. Ces maîtres développèrent un type nouveau de symphonie, précurseur de la symphonie classique de Haydn, Mozart et Beethoven, qui se caractérisait notamment par ses forts contrastes dynamiques et ses impressionnants crescendos [n. d. l. r.].

Vanhal, Symphonie en ré mineur

Composition : Vienne, 1767-1768 (?).
Composition de l’orchestre : 2 hautbois (ou 2 flutes), 2 cors, cordes.

Avant que ne se répande la réputation de Haydn et de Mozart, le compositeur originaire de Bohème Jan Křtitel (Johann Baptist) Vaňhal jouissait à Vienne d’une reconnaissance enviable dans le domaine de la musique instrumentale. La part la plus marquante de son abondante production est constituée par ses quelque 76 symphonies, dont le musicographe anglais Charles Burney écrivait en 1772 qu’elles figuraient «parmi les compositions les plus complètes et les plus parfaites, pour de nombreux instruments, dont l’art musical puisse se vanter». Dans une publication ultérieure (1819), il affirme même qu’«avant que nous ne soyons familiarisés avec les symphonies de Haydn, le style fougueux, naturel et sans affectation de Vaňhal a, pendant de nombreuses années, attiré davantage l’attention dans nos concerts [de Londres] que n’importe quelle autre musique venue de l’étranger».

«Fougueux, naturel et sans affectation» est une appréciation particulièrement adéquate pour qualifier la Symphonie en ré mineur B d1. La tonalité mineure lui confère une couleur sombre et passionnée relevant de la tendance Sturm und Drang* qui avait aussi touché la musique viennoise dans les années 1760-1770. On croirait parfois, dans le premier mouvement, entendre l’écho de la danse des furies de l’Orfeo de Gluck (Vienne, 1762).

Le second mouvement, de style galant, est suivi d’un Menuetto sérieux et énergique, dont le trio s’adoucit en une sorte de danse paysanne proche du style de Haydn. Le finale, de forme sonate, oppose un premier thème orageux en mineur et un second thème d’une grande douceur mélodique.

– I. R.
 

* Voir plus haut.

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