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Akimenko

Théodore Akimenko (1876-1945)
Ange, poème nocturne pour orchestre

[10 min]

Akimenko, Ange

L’ange volait dans le ciel de minuit ;
Une douce chanson il chantait.
La lune, les étoiles et les nuages en foule
Écoutaient ce chant sacré.
[…] Il portait dans ses bras une âme jeune
Pour un monde de tristesse et de larmes ;
Et la musique de sa chanson, dans cette âme jeune,
Restait – mais sans mots – vivante.

Extraits de L’Ange, poème de Mikhaïl Lermontov, 1831
 

Composition : 1924, d’après le poème L’Ange (1831) du poète Mikhaïl Lermontov (1814-1841).
Création : date inconnue.
Dédicace : «À mon ami Émile Alphonse Leduc».

Originaire de Kharkiv, en Ukraine, Théodore Akimenko* a été l’élève de Rimski-Korsakov et le professeur de Stravinski. Influence par la musique folklorique ukrainienne, il est l’un des principaux représentants du courant néoromantique d’Europe de l’Est. En 1924, un quatrain de Mikhaïl Lermontov lui inspire une de ses plus belles partitions, une des plus influencées aussi par l’esthétique symboliste alors supplantée par les mouvements artistiques d’avant-garde de la première moitié du XXe siècle. 

Poète, peintre, romancier et dramaturge, émule de Byron et de Pouchkine, Lermontov est mort en duel à l’âge de 27 ans. Un an avant de disparaître, il a publié Un héros de notre temps, le premier roman psychologique russe, qui l’a érigé en fondateur du courant réaliste dans son pays. Dans le poème L’Ange (1831), Lermontov développe un thème néoplatonicien cher aux symbolistes : celui de l’immortalité de l’âme et de l’existence d’une réalité supérieure à laquelle la musique est un moyen d’accéder. Dans sa partition, Akimenko aborde l’ange comme une figure propice à l’élévation, à la pureté et au mystère. Fidèle à l’esprit symboliste, son Poème nocturne cherche à suggérer plutôt qu’à affirmer, créant des impressions et des émotions se fondant dans un paysage sonore nuance. Le choix de l’épithète «nocturne» renforce l’idée de contemplation liée à une forme de méditation musicale sur l’invisible, voire l’infini. 

Subtile, délicate, l’écriture orchestrale d’Akimenko est marquée par l’usage de couleurs instrumentales raffinées, telles que les cordes dans le registre aigu, les bois pour des motifs de ponctuation lumineux et les cuivres dans des passages de plus intense profondeur. S’attachant davantage à l’évocation et aux atmosphères qu’à des développements thématiques rigoureux, son langage s’apparente à celui de compositeurs tels que Scriabine ou Debussy, tout en réservant une place importante aux envolées lyriques héritières du romantisme. On perçoit également, dans la partition, des couleurs orchestrales typiquement slaves, ainsi que de subtiles ambiguïtés tonales qui ne sont pas sans rappeler l’écriture harmonique d’un Zemlinsky. Mais les différentes influences que l’on peut discerner dans ce Poème nocturne n’enlèvent rien à la capacite d’Akimenko à exprimer un style très personnel, fidèle à ses origines et à son histoire, qui ont une résonance particulière pour l’auditeur d’aujourd’hui. 

– Olivier Lexa
Avec l'aimable autorisation de l'Orchestre de Paris – Philharmonie

* Théodore Akimenko (Fedir Yakymenko en ukrainien, Fiodor Iakimenko en russe) est né le 8 février 1876 à Kharkiv (aujourd’hui en Ukraine) et mort le 3 janvier 1945 à Paris, où il passa une grande partie de sa vie après avoir fui la révolution russe de 1917 [n.d.l.r.]. 

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