J’aime le jeune Richard Strauss. Peut-être moins le garçon de 18 ans du Concerto pour violon, bien que je l’aie souvent joué. Mais celui qui, à partir de 25 ans, compose les grands poèmes symphoniques dont il développera la veine jusqu’à la Première Guerre mondiale, de Don Juan à Une symphonie alpestre. Je récuse totalement la vision de ceux qui voient dans le postromantisme allemand le signe d’une décadence annonciatrice des grandes catastrophes politiques et humaines du XXe siècle. Une vie de héros éblouit par l’apparente facilité de son écriture, la subtilité dont le compositeur fait preuve en nuançant la monumentalité de la forme et les élans grandioses d’un étreignant lyrisme et d’une ironie corrosive. Même si j’adore la période néoclassique qui suivra, Strauss ne retrouvera à mon sens un tel jaillissement d’invention, une telle sincérité, à bien des égards, que dans ses ultimes partitions, en se retournant sur sa vie après la tragédie de la Seconde Guerre mondiale.
Nikolaj Szeps-Znaider
Directeur musical
Une vie de Héros
Nikolaj Szeps-Znaider / Kirill Gerstein